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Métaphraste, et plus anciennement par l’auteur inconnu de la vie de sainte Anastasie, se trouve dans les Bollandistes[1]. Voici le sujet de cette pièce : Les vierges, Agapée, Chionie et Irène, ayant refusé d’abjurer le culte du vrai Dieu, sont remises par l’empereur Dioclétien à la garde de Dulcitius, officier du palais. Celui-ci, les ayant fait enfermer dans le vestibule des cuisines, cherche à s’introduire auprès d’elles, pendant la nuit, dans une intention criminelle. Mais, aveuglé par un pouvoir surnaturel, il saisit, au lieu des prisonnières, les chaudrons et les lèchefrites, qu’il couvre de baisers. Pour se venger, il condamne ces pieuses vierges à être exposées nues aux regards du peuple ; mais leurs vêtemens s’unissent si étroitement à leur chair, qu’il est impossible de les en dépouiller, et lui-même donne à la foule le spectacle honteux d’un juge qui s’endort sur son tribunal. L’empereur, instruit de ces prodiges, qu’il attribue à la magie, charge le comte Sisinnius d’accomplir sa vengeance. Agapé et Chionie, livrées aux flammes, souhaitent de réunir leur ame à l’esprit divin, et expirent sans douleur au milieu du brasier. La plus jeune, Irène, dont Sisinnius espérait vaincre plus aisément la résistance, suit courageusement l’exemple de ses sœurs. Sisinnius ordonne qu’on la traîne dans un lieu de débauche ; mais, en chemin, deux anges, vêtus en messagers, apportent aux gardes l’ordre de conduire Irène au sommet d’une montagne voisine. À la nouvelle de cette dernière déception, Sisinnius s’élance à cheval et court à la montagne ; mais il tourne incessamment à l’entour, et ne peut ni avancer ni revenir sur ses pas. Enfin, Irène, qui consent au martyre, tombe percée d’une flèche, et expire en louant le Seigneur.

La troisième comédie, Callimaque, tirée de l’histoire apostolique d’Abdias[2], est, de tous les drames de Hrosvita, celui qui, par la délicatesse passionnée des sentimens, l’exaltation du langage et le romanesque de la légende, se rapproche le plus du drame de nos jours. On a dit souvent que l’amour est un sentiment moderne, né en Occident, du mélange de la mysticité chrétienne et de l’enthousiasme naturel aux races dites barbares. Toujours est-il bien remarquable que ce soit Hrosvita, une religieuse allemande, contemporaine des Othons, qui nous ait légué la première et une des plus vives peintures de cette passion, peinture sur laquelle près de neuf cents ans ont passé et qu’on dirait d’hier, tant nous y trouvons déjà les subtilités,

  1. Acta Sanct., 3 april., tom. I, pag. 245.
  2. Abdias, Apostolic. Hist., lib. V, de S. Johanne, ap. Fabric., Cod. Apocryph. Nov. Test., tom. II, pag. 542, seqq.