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LA COMÉDIE AU DIXIÈME SIÈCLE.

christianisme, consent, ainsi que Constantia l’avait prévu, à ce qu’elle entre dans un cloître, et lui-même se voue, comme ses deux filles, à la vie monastique[1].

Dans la seconde partie, ou le second acte, trois règnes se sont écoulés ; nous assistons à la réaction païenne tentée par Julien. Gallicanus, placé entre l’abjuration ou la confiscation de ses biens, persiste dans la foi et se retire en Égypte, où il périt martyr. Julien, forcé de garder plus de mesure avec Paul et Jean, qui ont rempli de hautes fonctions dans le palais, cherche à les faire rentrer à son service, et à leur faire abjurer le christianisme. Il échoue dans cette double tentative. Furieux, il ordonne à Térentianus de les mettre à mort et de les enterrer secrètement. Ce crime ne reste pas longtemps impuni. Julien, d’abord, est frappé ; puis, le fils du meurtrier, tourmenté par les démons, confesse publiquement le crime de son père et le mérite des deux martyrs. Térentianus effrayé a recours au baptême, et son fils, délivré de la possession, se fait aussi chrétien. Telle est cette pièce, qui, comme les drames historiques anglais, ne dure pas moins de vingt-cinq ans. M. Villemain qui, le premier en France, a cité Hrosvita dans une chaire publique, et qui a même traduit comme échantillon une belle scène de la seconde partie de Gallicanus, a porté sur cette pièce un jugement que je ne puis que répéter : « L’auteur, dit-il, dans la prose assez correcte de son drame, fait habilement parler Julien. Il y a là un sentiment vrai de l’histoire. Julien ne paraît pas un féroce et stupide persécuteur… La religieuse de Gandersheim a bien saisi son caractère… sa modération apparente, son esprit impérieux et ironique[2]. »

La seconde comédie du recueil, Dulcitius, est disposée pour exciter le rire et la gaieté. On peut même dire qu’elle dépasse quelque peu les bornes du genre ; c’est plus qu’une comédie, c’est une farce religieuse, une parade dévote, qui se déploie, chose étonnante ! sans trop de disparate, à côté du martyre de trois héroïques sœurs : Agapé, Chionie et Irène. Dans cette pièce, où les prestiges et le merveilleux dominent, les persécuteurs ne sont pas simplement représentés, suivant l’usage, comme des bourreaux farouches et sanguinaires, mais comme des hommes ineptes, comme des niais en butte aux plus ridicules illusions et livrés aux mystifications d’une main cachée, qui se joue d’eux. Cette légende bizarre, écrite par

  1. Gottsched a traduit en allemand la première partie du Gallicanus. Voy. Nothiger Vorrath, etc., tom. II, pag. 20, seqq.
  2. M. Villemain, Tableau de la Littérature au moyen-âge, tom. ii pag. 260.