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phile.[1] C’est vraisemblablement l’origine de la légende de Faust. 6o Histoire de la conversion d’un jeune esclave exorcisé par saint Basile. Dans ce poème, composé de deux cent quarante-neuf vers hexamètres, ce n’est plus par ambition, mais par amour, que l’esclave d’un riche habitant de Césarée se voue au diable. Éperdument amoureux de la fille de Protérius, que son père destinait au cloître, ce jeune homme, aidé de l’esprit malin, parvint à se faire aimer d’elle et l’épousa au grand déplaisir de sa famille. Cependant la jeune femme, s’étant bientôt aperçue que son mari n’osait pas entrer dans l’église, devina la vérité. Elle sollicita aussitôt et obtint le divorce, et, suivant son premier dessein, se voua à la vie monastique. Cependant le jeune homme, repentant de son crime, fut exorcisé par saint Basile, qui contraignit le démon à rendre la cédule que l’imprudent avait souscrite. 7o Histoire de la passion de saint Denis, illustre martyr, deux cent soixante-six vers hexamètres. Dans ce poème, calqué sur la légende[2], le voyage miraculeux du saint décapité est peint en traits qui ne manquent ni de poésie ni de grandeur. 8o Histoire de la passion de sainte Agnès, vierge et martyre. Le sujet de cette pièce, composée de quatre cent cinquante-neuf vers hexamètres, est plus délicat et plus scabreux que celui d’aucun des poèmes précédens. Agnès, jeune Romaine d’une grande beauté, avait embrassé le christianisme et fait vœu de chasteté. Un jeune homme, fils du comte Sempronius, préfet de la ville, s’éprit de la belle chrétienne, et n’ayant pu la gagner ni par ses prières, ni par ses présens, tomba dans une mélancolie qui fit craindre pour ses jours. Les médecins, ayant découvert la cause de son mal, en informèrent Sempronius, qui commanda avec emportement à la jeune fille de céder aux désirs de son fils. Agnès restant inébranlable, Sempronius la fit traîner au temple de Vesta pour y adorer le feu sacré. Sur le refus d’Agnès, il ordonna qu’on la conduisît nue dans un lieu de prostitution ; mais, au moment de subir cet arrêt, le ciel, pour ménager sa pudeur, permit que ses cheveux grandissent, au point de tomber jusqu’à ses pieds comme un voile. Le fils du préfet, l’ayant poursuivie dans ce lieu infâme, n’eut pas plus tôt porté la main sur elle, qu’il tomba mort à ses pieds. Le père au désespoir accuse la jeune vierge de magie. Agnès, pour se disculper, demande au ciel et obtient la résurrection du jeune insensé. Le père et le fils se font chrétiens. Cependant

  1. Voyez les Œuvres de Rutbeuf, publiées par M. Achille Jubinal, tom. II, pag. 79-105.
  2. Bolland., Act. sanct., 9 octob., tom. IV, pag. 696, seqq.