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LA COMÉDIE AU DIXIÈME SIÈCLE.

grande qu’il reçut le don des miracles. Il épousa une fort belle femme, que Hrosvita nomme Ganea, probablement par allusion à ses mœurs dissolues. Elle s’abandonna bientôt à un clerc de la maison de son mari. L’adultère fut prouvé par l’épreuve de l’eau. Ganea se brûla la main et le bras, en les plongeant dans une cuve d’eau froide. Au lieu d’accepter le pardon que lui offrait généreusement son mari, elle le fit assassiner à Varennes en Bourgogne. Plusieurs miracles s’étant opérés sur le tombeau de saint Gandolfe, furent rapportés à cette méchante femme, qui s’en moqua dans des termes très immodestes : Miracula non secus ut vetris crepitum existimavit. » Elle fut aussitôt punie de cet impur blasphème par un châtiment digne de sa faute In pœnæ perfidiam, venter illi quoad viveret perpetuo crepabat Ce singulier sujet de poésie monastique prouve que le badinage et une gaieté même assez grossière n’étaient pas entièrement bannis de ces pieux asiles[1]. 4o  La Passion de saint Pélage de Cordoue en 925. Ce poème, composé de quatre cent quatre hexamètres, est le récit d’une aventure que Hrosvita mit en vers d’après une relation qu’elle tenait d’un témoin du fait[2]. Le jeune Pélage, prisonnier d’Abrahemen (Ahdalrahman ou, comme nous disons, Abderame) lors de la prise de Cordoue par les Maures[3], refusa de servir aux plaisirs infâmes de ce Sarrasin, et fut précipité du haut du rempart dans le fleuve. Recueilli par des pêcheurs, il fut achevé par les soldats du tyran. Les habitans de Cordoue l’ensevelirent religieusement[4]. 5o  La Chute et la conversion de Théophile, vidame ou archidiacre de l’évêque d’Adona en Cilicie[5] vers l’an 538 ; quatre cent cinquante-cinq hexamètres. Cette histoire d’un clerc qui, par ambition, se voue au diable[6], a été, pendant le moyen-âge, le texte de beaucoup d’ouvrages d’imagination. Elle a été, entre autres, mise en drame, au XIIIe siècle, par Rutbeuf, sous le titre de Miracle de Théo-

  1. Voy. Bolland., Act. Sanct., 11 maji, tom. II, pag. 642, seqq. Cette histoire est racontée sous le nom de Gendulfus.
  2. Aussi remarque-t-on dans cette pièce quelques hispanismes singuliers, entre autres rostrum pour facies.
  3. Il n’y a pas eu de prise de Cordoue par les Maures en 925. Au reste, cela n’est dit expressément que dans l’argument, et non dans le poème. Il paraît qu’il y eut seulement un combat sous les murs de Cordoue.
  4. Ce poème, qui a été réimprimé plus correctement dans les Bollandistes (Act. sanct., 20 jun., tom. V, pag. 209, seqq.), diffère en plusieurs points de la relation du prêtre Raguel. Voy. ibid.
  5. Les deux éditions de Celtes et de Schurzfleisch disent à tort en Sicile.
  6. Voyez cette légende dans les Bollandistes, Act. sanct., 4 februar., tom. I, pag. 480, seqq.