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LA COMÉDIE AU DIXIÈME SIÈCLE.

tueusement dédié plusieurs de ses ouvrages. Mais bientôt l’écolière surpassa ses maîtresses et même ses maîtres ; car si elle gémit, dans la préface de son premier recueil poétique, d’être dépourvue des conseils des hommes habiles, on voit par l’épître qui précède ses comédies (Epistola ad quosdam sapientes, hujus libri fautores et emendatores) que l’attention et les suffrages des hommes les plus éminens de l’Allemagne ne lui manquèrent pas long-temps, et qu’elle reçut bientôt de toutes parts des encouragemens et des éloges. En effet, les écrits de cette femme illustre sont de ceux qui honorent le plus son sexe, et qui, malgré quelques défauts inhérens à l’époque où elle a vécu, relèvent le plus le Xe siècle de l’accusation de barbarie qu’on lui a trop légèrement prodiguée. Un de ses anciens biographes termine sa vie par ce trait : « Rara avis in Saxoniâ visa est[1]. » C’est trop peu dire. Cette Sapho chrétienne, cette dixième muse, comme l’appellent ses compatriotes, ne fut pas seulement une merveille pour la Saxe, elle est une gloire pour l’Europe entière. Dans la nuit du moyen-âge, on trouverait difficilement une étoile poétique plus éclatante.

Je n’ai pas besoin d’ajouter que les ouvrages de Hrosvita sont tous écrits en latin, seule langue alors usitée en Occident pour les compositions littéraires. Il existe deux éditions de ses œuvres : la première a été donnée en 1501, à Nuremberg, en un volume in-folio, par Conrad Celtes, poète lui-même et, qui plus est, poète lauréat de l’empereur Maximilien ; la seconde, qui n’est qu’une simple réimpression augmentée d’éclaircissemens et de préfaces, fut donnée en 1717[2], à Wittemberg, en un volume in-4o, par Léonard Schurzfleisch. Ces deux éditions reproduisent à peu près textuellement un beau manuscrit du XIe ou peut-être de la fin du Xe siècle, qui, du couvent de Saint-Emméran à Ratisbonne, où Celtes le copia[3] et où Gottsched le vit encore en 1749, a passé dans la bibliothèque royale de Munich[4]. Les deux éditeurs ont eu le tort d’intervertir, sans

    le titre de scholasticus ou d’écolastre, présidait à l’instruction des moines (Chron. hist., tom. I, pag. 11 et 12, cité par Jourdain dans ses Recherches sur l’âge et l’origine des traductions latines d’Aristote, pag. 218). Il paraît que cet article important de la règle bénédictine s’appliquait aux couvens de femmes aussi bien qu’aux couvens d’hommes.

  1. Bodo, loc. cit.
  2. Et non en 1707, comme le titre le porte par erreur.
  3. Celtes dit seulement qu’il a trouvé ce manuscrit dans un monastère de l’ordre de Saint-Benoît.
  4. Il est surprenant qu’une des dernières personnes qui ait écrit sur Hrosvita en Allemagne ait perdu la trace de ce manuscrit. M. Gust. Freytag, qui a donné une