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REVUE LITTÉRAIRE.

Si le volume que nous avons sous les yeux ne contient encore qu’un seul et assez court traité d’Hippocrate : Περὶ ἀρχαίης ἰητρικῆς, lequel est traduit avec un grand art, un vrai sentiment de la langue grecque et une singulière rigueur, c’est que l’espace est entièrement consacré à une introduction considérable, qui a plus de cinq cents pages, et qui à elle seule est un ouvrage véritable. Après avoir jeté un coup d’œil sûr et ferme sur la médecine avant Hippocrate, après avoir laissé bien en arrière les travaux de Leclerc, de Sprengel, de Schultze et de M. Hecker, M. Littré aborde la vie du médecin de Cos, et dissipe, à la lumière de la science et avec une logique puissante et serrée, les fables qui entourent cette obscure biographie. Tous les témoignages sont discutés, comparés, dans leurs moindres détails, avec une sagacité, une étendue, une méthode devenues bien rares. On aime aussi ce désintéressement scientifique qui, loin de tout scepticisme exagéré, examine sans passion, évite les hypothèses, et n’est jamais guidé que par l’amour réel et sérieux des vérités littéraires. En arrivant à la collection hippocratique, les difficultés redoublent ; c’est un dédale où M. Littré a fini cependant par se guider avec certitude. Questions chronologiques, questions grammaticales, commentateurs, dialectes, authenticité, incohérences, tout est pesé, trié, avec un discernement compréhensif qui n’est jamais en défaut. Les documens extrinsèques sont habilement rapprochés des données hippocratiques même, et, par un contrôle sévère, les traités apocryphes se trouvent successivement éliminés et rejetés dans les séries secondaires. C’est enfin une suite de dissertations où les moindres et plus minutieux points de médecine, de philologie, d’érudition, sont parfaitement élucidés.

M. Littré n’a pas d’ailleurs borné son rôle à se montrer critique intelligent et éditeur exact. Les aperçus philosophiques, les jugemens élevés, les rapprochemens lumineux ne manquent pas. Je recommande surtout deux chapitres vraiment éloquens sur la doctrine médicale d’Hippocrate et sur son style. L’influence réciproque de la philosophie et de la médecine grecque, le caractère si élevé de la méthode hippocratique, y sont saisis de haut et mis dans tout leur jour.


Histoire de la littérature hindoui et hindoustani, par M. Garcin de Tassy[1]. — Les grands travaux de M. de Sacy sur les littératures de l’Orient ont donné, en Europe, à la science française un caractère de supériorité éminente qu’il ne faut point lui laisser perdre. La critique ne saurait donc trop encourager les tentatives nombreuses de traductions et d’investigations historiques, par lesquelles de modernes orientalistes, la plupart élèves de l’illustre M. de Sacy, ont continué l’œuvre du maître. Parmi eux, M. Garcin de Tassy s’était d’abord occupé d’arabe et de persan, et outre la traduction de quelques ouvrages de théologie musulmane, il avait reproduit les charmantes allé-

  1. vol. in-8o, 1839, Imprimerie Royale, chez B. Duprat, rue du Cloître Saint-Benoît, 7.