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MÉLANCTHON.

qu’ils risquent peut-être, outre les châtimens que leur réserve l’académie. Un autre décret parle de femmes perdues qui attiraient les jeunes gens dans les bois proches de la ville ou dans les bouges des faubourgs, et qui pénétraient dans l’intérieur de la ville sous des habits d’homme.

Enfin ils se faisaient accuser de modes outrées dans leur costume, et particulièrement dans la forme de leurs chapeaux. Les uns portaient des turbans à la manière turque, ce qui leur était reproché comme une imitation qui présageait des mœurs et un empire barbares. Les autres se couvraient de chapeaux à larges bords, dont on leur disait vainement, du haut des chaires académiques, qu’ils gênent la vue, qu’ils sont enlevés par les coups de vents, et que leur poids allourdit la tête et opprime l’esprit. Ceux-ci imitaient la coiffure militaire des cavaliers, ceux-là le bonnet de voyage, bigarrure qui étonnait beaucoup les étrangers et leur donnait une mauvaise opinion de la force du gouvernement académique.

Mais un mal plus grave, et contre lequel Mélancthon lutta avec plus de zèle que de succès, c’était l’impatience des jeunes gens d’arriver de plein saut aux professions lucratives sans passer par les études scolastiques. L’académie de Wittemberg suivait, à quelques changemens près, la même conduite que notre université, quoique dès ce temps-là il se trouvât, comme aujourd’hui, nombre d’inventeurs et de partisans des méthodes expéditives. On n’arrivait aux sciences spéciales et d’application, à la théologie, au droit, à la médecine, qu’après avoir été arrêté long-temps sur ce qu’on appelait la grammaire et la dialectique, c’est-à-dire les études de langue et la philosophie. À l’issue de ces premières études, on recevait le grade de bachelier. De là il fallait passer par la physique, les mathématiques, les éthiques, et recevoir le grade qui y était attaché, avant d’entrer dans l’enseignement d’application. Or, ces lenteurs si sagement calculées sur les progrès des facultés de l’enfant, de l’adolescent et du jeune homme, avaient comme aujourd’hui de nombreux contradicteurs. On attaquait l’usage de décerner des grades comme une routine et un empêchement. Les parens avaient hâte d’échapper aux dépenses de l’éducation littéraire, et poussaient leurs enfans aux professions lucratives, quoique la rétribution académique fût modique, les plus riches ne payant que quatre florins d’or et demi par année, les pauvres deux florins, et quelquefois rien. Pour les écoliers, outre le peu d’application de cet âge, qu’aucune méthode ne corrigera, mais qui suffit d’ailleurs à une étude très générale comme