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intérimistes et adiaphoristes. Il criait que l’on corrompait la doctrine en rétablissant les cérémonies abolies, qu’il fallait plutôt déserter les églises et effrayer les princes par la crainte des séditions, que de rien rabattre des principes.

C’était la thèse populaire. Aussi Illyric, qui n’était pourtant qu’un nom, eut-il autour de lui un immense parti, formé de tous ceux qui avaient sur le cœur la défaite de l’Allemagne, et qui voulaient la venger de ces images où on la représentait enchaînée aux pieds de l’Espagne et de l’Italie. Ce parti voyait bien que la guerre n’était pas finie. Quoique suspect à l’électeur Maurice, il pénétrait, par cet instinct propre aux partis, la pensée de ce prince, qui inclinait vers la cause protestante, par esprit d’indépendance et pour se faire pardonner par la Saxe son usurpation. Du reste, ils ne discutaient rien, ne demandaient rien de nouveau, ne raffinaient sur rien, et on croyait les accuser victorieusement de ce vague même qui faisait leur force. Je n’ai pas peur d’un parti qui se pique de logique et qui raffine ; mais un parti qui ne se soucie pas de lier ses raisonnemens, et qui répond par des cris à ceux qui lui demandent des syllogismes, je m’en inquiète ou j’en espère, selon sa cause, et d’autant plus que ses prétentions sont plus vagues.

Illyric était poussé à la fois par les passions qu’il avait excitées, et le bruit qu’il avait fait, et par une jalousie ardente contre Mélancthon. Il le haïssait pour son savoir et pour son autorité sur les esprits éclairés, qu’il n’était pas de force à lui disputer. Dans ce premier rôle, qu’il avait conquis avec toutes sortes d’alliés, il était inquiet comme un usurpateur qui se sent inférieur à celui qu’il a dépossédé. Outre l’ingratitude pour les services qu’il en avait reçus, et qui s’augmentait pour s’étourdir, Illyric faisait à Mélancthon une guerre déloyale. Il lui prêtait des mots qui pouvaient mettre sa vie en péril, comme celui-ci : « qu’il fallait ne pas se séparer de l’église, dussent tous les anciens abus être rétablis. » Il se vantait d’avoir surpris dans ses entretiens des aveux de retour au catholicisme. Il parlait de rêves que Mélancthon lui aurait racontés, et il s’aveuglait sur son manque de foi en l’étalant. Il n’est pas étonnant qu’un parti qui avait pour chef un tel homme fût mêlé de toutes sortes de gens. C’est d’ailleurs ce qui arrive à tous les partis ardens, quelque vertu qu’ait leur chef. Ils sont et seront toujours suspects, parce qu’il leur faut se recruter de tous ceux que gêne le présent, dans ce qu’il a de bon comme dans ce qu’il a de mauvais.

À la faction d’Illyric vint s’en ajouter une autre, dont Osiandre