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MÉLANCTHON.

saient de rendre du cœur aux catholiques par sa faiblesse ; point de ce courage pour des choses inutiles, ordinairement suivi d’hésitation ou de rétractation dans le combat. De la facilité sur ces choses mais du courage, et tout le courage possible, en cas d’appel devant le magistrat pour abjurer la doctrine ou en reconnaître une autre. Sur ce point, il faut savoir préférer sa foi à sa vie et à la paix, moins nécessaires que la connaissance de la vérité. N’imitez pas ce martyr de Bâle, ajoutait-il, qui se fait brûler pour avoir mangé de la viande le vendredi, ni saint Laurent, qui subit le même supplice pour ne pas payer l’impôt à l’empereur Dèce. Le vrai culte de Dieu, c’est la foi, la prière, l’amour, l’espérance, la patience, la chasteté, la justice envers le prochain, et les autres vertus. Sans tout cela la liberté dans le vêtement et dans l’usage de la viande, et d’autres libertés du même genre, ne sont qu’une nouvelle police plus agréable aux hommes, parce qu’elle a moins d’obligations[1]. »

C’est là cette fameuse querelle des choses indifférentes (ἀδιάφορα) qui remua toute l’Allemagne et hâta la mort de Mélancthon. Le premier qui la souleva fut Flaccius Illyricus, théologien médiocre, qui n’a laissé ni un livre estimé ni même une erreur éclatante, mais doué d’assez d’audace et de talent pour défendre une cause qui pouvait se passer de haute théologie. Venu à Wittemberg en 1541, il y avait été accueilli par Mélancthon avec cette bonté célèbre dont presque tous les érudits d’Allemagne et tous les hommes de quelque espérance avaient reçu des marques. Il s’y était appliqué à l’étude de l’hébreu, avait reçu le titre de maître ès-arts, et s’était marié. Vers le temps de l’Intérim, si propice aux entreprises nouvelles, soit audace, soit instigation du dehors, ce que son caractère enveloppé ne permit pas de découvrir, il s’était mis à écrire, sous de faux noms, des libelles où il attaquait tous les esprits et toutes les opinions pacifiques. Il avait une manière particulière de capter la confiance : affectant un grand zèle, prodiguant les gémissemens, il parlait d’un commerce familier avec Dieu, qui se communiquait à lui dans ses extases[2]. Retiré à Magdebourg, la seule ville qui se fût ouvertement révoltée contre l’Intérim, il y répandit des écrits et des caricatures contre l’électeur, Mélancthon, le prince d’Anhalt, Major, et d’autres chefs du pays modéré, qu’il appelait

  1. Lettres, liv. I, col. 82.
  2. Discours prononcés à l’académie de Wittemberg, tom. VI. Discours de George Major.