Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 20.djvu/383

Cette page a été validée par deux contributeurs.
379
MÉLANCTHON.

le brouilla de nouveau avec l’empereur. Celui-ci, quoiqu’il eût en réalité vaincu pour l’empire, avait néanmoins fait la guerre pour la religion, et, après avoir tiré de sa victoire tout le profit qu’il en avait espéré en argent et en soumission, il voulait, ou honorer la vraie cause, ou cacher le prétexte de la guerre, en continuant l’œuvre de la pacification religieuse. C’est dans ce but qu’il pressait le pape de continuer le concile de Trente ; mais le saint père temporisait, la pacification ne pouvant avoir lieu sans deux choses qui lui répugnaient également : une controverse avec les protestans, et l’arbitrage impérial. En conséquence, il avait fait décider par ses légats, sur un faux bruit de peste habilement exploité, que le concile serait transféré à Bologne. C’était un moyen, ou de l’avoir sous sa main, si tous les membres consentaient à la translation, ou de le dissoudre, s’il y avait dissentiment. Le premier vœu du pape était qu’il n’y eût pas de concile, dût-il même y être le maître ; le second était qu’il se tint le plus loin possible de l’Allemagne et de l’empereur. Il le transférait à Bologne, faute d’oser le dissoudre.

Mais la politique de Charles était que le concile restât assemblé, afin de ne pas s’affaiblir aux yeux des protestans qu’il avait fait consentir, le fer sous la gorge, à le reconnaître, et qu’il continuât de siéger à Trente, pour qu’il fût plus proche de ses armes. Aussi avait-il ordonné aux prélats impériaux de ne pas suivre les légats à Bologne, ce qui mit un schisme dans un concile institué pour établir l’unité. Après de vives récriminations de part et d’autre, le pape ne cédant point, Charles-Quint s’empara de la puissance spirituelle, et fit rédiger un formulaire de pacification. Ce formulaire devait régler l’état des églises d’Allemagne jusqu’à la reprise du concile, qu’il ajournait à la mort du pape, jugée imminente à cause de son grand âge. En attendant, les prélats particuliers avaient ordre de rester à Trente, pour qu’il n’y eût pas dissolution, et que les protestans ne se crussent pas dégagés du serment envers un concile qui eût cessé d’exister.

Le formulaire de l’empereur était l’œuvre de Jules Pflug, que la guerre avait rétabli sur son siége épiscopal, — de Helding, suffragant de l’archevêque de Mayence, — et de cet Islébius Agricola, dont on se rappelle les débats avec Mélancthon. Les deux premiers, catholiques, appartenaient à ce parti de modérés qui était si près de s’entendre avec les protestans de l’école de Mélancthon. Leur livre étant destiné à régler les choses jusqu’à la décision suprême du concile, reçut le titre d’Intérim, que chacun prit au mot, les uns sincèrement, les autres, en plus grand nombre, pour en faire la matière de