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MÉLANCTHON.

comme il convenait au lieu et à la personne ; après quoi il demanda la permission de reprendre sa route. Le landgrave y consentit, à la condition qu’à son retour il écrirait pour lui un traité des questions en litige. Il s’informa ensuite des dépenses du voyage, et le pria de passer par ses terres ; ce qui fit dire plus tard que le landgrave de Hesse était le disciple de Mélancthon.

De retour à Wittemberg, Mélancthon écrivit le traité promis, sous le titre d’Abrégé de la doctrine ecclésiastique restaurée, pour le très illustre landgrave de Hesse.

VI. — PREMIERS DOUTES. — PREMIÈRES DIFFICULTÉS INTESTINES.

On sait quelle fut la marche de la réforme. Comme toutes les révolutions, elle s’était annoncée par des principes plus généraux que les changemens qu’elle voulait conquérir, et elle n’avait pas craint, comme fit l’Europe pour le Nouveau-Monde, de prendre droit de souveraineté même sur l’inconnu. Luther avait dit : Toute vérité vient de l’Écriture. Axiome presque sans limites, car il comprenait non-seulement toutes les réformes particulières que demandait et que précisait Luther, mais encore toutes celles que pouvaient rêver les imaginations les plus ardentes. Luther ne trouvait, dans l’Écriture, ni pape, ni concile, ni confession auriculaire, ni intercession des saints, ni purgatoire, ni célibat des prêtres. Il passait par-dessus quinze siècles pour arriver sans intermédiaire, sans tradition, aux livres primitifs, et fonder, sur une nouvelle interprétation de ces livres, un nouveau christianisme. C’était assez pour le maître ; ce n’était pas assez pour les disciples. Le principe, toute vérité est dans l’Écriture, portait cette conséquence : chacun peut voir dans l’Écriture la vérité qu’il veut. Aussi, peu de temps après les déclarations de Luther à Worms, Carlostadt, son disciple et son frère d’armes au colloque de Leipsick, déclarait ne pas trouver dans l’Écriture le dogme de la présence réelle dont le rejet allait être le fondement même de la réforme suisse ; enfin, les anabaptistes, plus hardis, y trouvaient la nécessité d’un second baptême, et n’y trouvaient ni évêques, ni ministres, ni hiérarchie d’aucune sorte, ni droits féodaux, ni droits de succession.

Les chefs ne sont souvent si hardis que par subtilité, et à force de pousser leurs idées à l’extrême ; les sectaires le sont par l’emportement brutal des passions. Le principe posé par Luther déchaîna tous ceux qui avaient à se plaindre, à désirer, à se venger. Outre que la