Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 20.djvu/362

Cette page a été validée par deux contributeurs.
358
REVUE DES DEUX MONDES.

ment à l’ordre public, en même temps que le gage, sinon constant, du moins habituel, d’une éducation plus libérale.

Cependant, quelque mesure qu’on apportât dans son application, une telle garantie ne pouvait être acceptée par les théoriciens démagogues, qui de l’égalité naturelle des races prétendaient inférer l’égalité absolue de toutes les unités humaines. Les deux doctrines que j’ai déjà eu l’occasion de désigner sous le titre de démocratique et de bourgeoise, luttèrent donc corps à corps au sein de la constituante, et sa loi électorale porta l’empreinte des oscillations entre lesquelles cette assemblée fut constamment ballottée.

La constitution de 91 ne fit, aux traditions de l’ancien gouvernement, qu’un seul emprunt, l’élection indirecte. Elle décréta que, pour former l’assemblée nationale, les citoyens se réuniraient, tous les deux ans, en assemblées primaires[1], composées de tout Français âgé de vingt-cinq ans, non serviteur à gages, et payant une contribution directe au moins égale à la valeur de trois journées de travail. Les assemblées primaires nommaient des électeurs en proportion du nombre des citoyens actifs domiciliés dans la ville ou le canton, et ces électeurs devaient joindre, aux qualités requises pour être citoyen actif, la possession d’un bien évalué, sur les rôles, à un revenu égal à la valeur de deux cents journées de travail. Enfin, les mandats impératifs étaient proscrits[2], et le principe de la représentation selon le droit politique moderne, posé dans toute sa pureté.

La convention où triompha l’idée du nivellement absolu des êtres, et où cette idée toute moderne se drapa dans quelques lambeaux de l’antiquité républicaine, conçut tout autrement que la constituante et le droit électoral et celui des mandataires élus. D’après la constitution de 93, le premier de ces droits appartint à tout individu né sur le territoire de la république ; le second se trouva fort restreint par la souveraineté populaire, s’exerçant directement elle-même pour la sanction de toutes les lois, aussi bien que par l’institution d’un grand jury national, élu par la nation, avec l’étrange attribution de juger ses représentans.

« C’est toujours à la dernière limite, disait le rapporteur de ce projet de constitution[3], que nous nous sommes attachés à saisir les droits de l’humanité. Si quelquefois nous nous sommes vus for-

  1. Constitution de 1791, tit. III, sect. II.
  2. Sect. III, VII.
  3. Hérault de Séchelles.