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rieurs parlant à leurs supérieurs ; les agens étrangers ne sont pas plus exemptés de cette règle que les négocians.

Autrefois le vice-roi ne recevait les pétitions des étrangers qu’en anglais, et il les faisait traduire par ses propres interprètes. Souvent ces documens étaient mal traduits, et l’objet de la pétition était manqué. Les commerçans prièrent humblement le vice-roi de leur permettre de s’adresser à lui dans la langue chinoise. Le motif sur lequel fut appuyée la concession de cette demande est un trait bien caractéristique de l’orgueil chinois, et je ne puis le passer sous silence. Le conseiller de l’empereur (car la pétition fut envoyée jusqu’à Pékin) représenta à sa majesté que, d’après les traditions de l’empire, le chinois avait été jadis la langue universelle, et que la pétition des barbares semblant tendre au rétablissement de l’universalité du sublime langage, il croyait que leur demande devait leur être octroyée.

Il fut encore permis aux étrangers de résider sur une petite langue de terre, au bord de la rivière de Canton et en avant de la ville de ce nom ; mais cette permission ne leur fut accordée que pour un certain temps de l’année qui fut jugé nécessaire pour la parfaite conclusion de leurs affaires. Les choses n’arrivèrent pas tout d’un coup à ce point ; ce fut l’œuvre de nombreuses années et d’une longue persévérance de la part du commerce anglais.

Tel était l’état des choses quand lord Napier arriva à Macao avec les deux frégates anglaises, l’Andromaque et l’Imogène. Ce qu’il venait réellement faire en Chine, et quelles étaient les instructions spéciales qu’il avait reçues du cabinet britannique, c’est ce qu’on n’a jamais pu savoir bien exactement. Lord Napier se borna d’abord à demander que ses communications avec le vice-roi fussent directes, ou qu’au moins elles n’eussent pas lieu par l’entremise des hanistes, mais bien par l’intermédiaire d’un officier de son rang, c’est-à-dire de la troisième ou de la quatrième classe. Il demanda ensuite la faveur d’être dispensé, dans ses rapports avec le vice-roi, du style humiliant imposé par l’usage. L’une et l’autre de ces demandes furent immédiatement rejetées. De là grand bruit dans la mission anglaise : les mots d’honneur national, de droit des gens, furent mis en avant ; mais ils n’avaient pas de sens pour ce gouvernement qui ne connaît de nation que la sienne, ne veut avoir de communication avec aucune autre, et méprise souverainement tout ce qui n’est pas chinois. On eut recours à la menace ; soit jactance, soit sentiment de sa force, le gouvernement chinois ne fit que rire de la colère de lord Napier, et ne répondit qu’en défendant aux Chinois de fournir des approvisionnemens aux factoreries étrangères de Canton. De plus, il donna ordre à tous ceux qui étaient au service des barbares de rentrer immédiatement en ville, ce qui fut aussitôt accompli qu’ordonné. Il fut interdit aux bateaux européens de circuler dans la rivière de Canton, et on défendit, sous les peines les plus sévères, à tout bateau chinois de s’employer pour le service des bâtimens ou des résidens étrangers. Les privations et la famine commencèrent à se faire sentir dans les factoreries ; cependant le commerce n’était pas entièrement fermé, et il était encore permis de conclure les affaires commencées, quand tout à coup, sans déclaration