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UN VOYAGE EN CHINE.

pour forcer l’entrée de la rivière de Canton : cette mesure n’avait ni but ni motif. En 1834, le gouvernement de la Grande-Bretagne, cédant aux demandes multipliées des villes manufacturières anglaises, voulut faire un nouvel effort pour engager le gouvernement de la Chine à modifier les dispositions qui régissent le commerce étranger dans cet empire. Lord Napier fut envoyé à Canton, non comme ambassadeur, puisqu’il n’avait pas mission de se rendre à Pékin, mais comme chargé d’entrer en arrangement avec le vice-roi de Canton. Avant d’aller plus loin, il ne sera pas inutile de dire d’abord quelques mots de la politique suivie par la Chine à l’égard des étrangers.

L’empire chinois ne reconnaît à personne le droit de se mêler de ses affaires ; il n’accorde à aucune nation le droit de chercher à entrer en communication avec lui par le moyen d’ambassadeurs ou envoyés. Il professe ou affecte de professer pour tous les étrangers le plus profond mépris ; et, s’il leur permet d’apporter en Chine les produits de leur industrie, il a soin de déclarer qu’il n’agit ainsi que par compassion. « Les barbares, dit-il, mourraient si je fermais ma main généreuse et si je refusais de leur accorder le thé qui est nécessaire à leur existence. » Quel que soit le motif qui engage le gouvernement chinois à se montrer aussi libéral, cette condescendance de sa part est soumise à certaines restrictions, dont il ne permet, sous aucun prétexte, au commerce étranger de se départir. Ainsi, dans la rivière de Canton, des limites ont été tracées au-delà desquelles les navires ne peuvent avancer. L’autorisation de débarquer des marchandises sur le sol de l’empire céleste ou d’en exporter les produits ne s’acquiert qu’en payant un droit qui s’élève à près de 30,000 fr. pour un gros navire. En outre, il a semblé au gouvernement chinois que les autorités qui le représentent à Canton se rabaisseraient trop, si elles avaient des intérêts quelconques à débattre avec les étrangers. Pour éviter cette contamination, il a institué un corps de marchands qui, seuls, peuvent faire le commerce avec les Européens. Ces marchands sont les dépositaires responsables des droits du gouvernement, et ils sont chargés de les percevoir. Le gouvernement n’a donc rien à démêler avec les négocians d’outre-mer : si ceux-ci ont quelque réclamation à faire, ils peuvent adresser une pétition au vice-roi ; mais cette pétition doit passer par les mains des membres de la corporation dont je viens de parler et qu’on appelle hanistes. Le vice-roi ne répond jamais directement, il envoie ses ordres aux hanistes, qui sont chargés de les transmettre aux étrangers. Quelquefois il arrive que ces derniers ont à se plaindre des hanistes eux-mêmes. Le gouvernement a prévu ce cas, et il a autorisé les Européens, dans des circonstances extraordinaires, à venir en personne présenter leur pétition à une des portes de la ville désignée à cet effet. Là, des officiers du vice-roi reçoivent la pétition, et la réponse parvient aux pétitionnaires par l’entremise des hanistes, qui se garderaient bien de ne pas la leur faire connaître. Les agens étrangers ne sont considérés par ce gouvernement exclusif que comme les chefs des marchands et assimilés à eux. Il faut noter encore que, suivant la coutume chinoise, on ne peut se servir, dans toutes les adresses présentées aux autorités, que du style à l’usage des infé-