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effacée de celle-ci. En vain s’agiterait-on pour y susciter la vie politique, en vain les notabilités du pays s’y trouveraient-elles en grand nombre : le premier résultat des positions fausses est d’ôter à chacun sa force, et c’est le sort des institutions dénuées de tout génie propre de disparaître sans que l’opinion s’en émeuve. Ainsi naquirent, ainsi se sont évanouies les conceptions de Sieyès au premier rayon du soleil de l’empire.

Le vice de l’organisation de notre pairie est compris par tous les amis de la monarchie constitutionnelle ; il n’en est aucun qui ne dise tout bas ce que je ne vois, pour mon compte, nulle raison de ne pas dire tout haut. Je comprends autant que qui que ce soit les répugnances du pouvoir et la froideur de l’opinion, lorsqu’il s’agit, à peine sorti des hasards d’une révolution, de rentrer dans une carrière d’expériences législatives. C’est là un sentiment honorable, une crainte salutaire, contre lesquels je n’entends aucunement m’élever ; mais encore est-il loisible aux hommes qui regardent comme impossible de détourner le cours logique des idées, de se demander dès à présent dans quelle alternative se trouvera la France lorsqu’éclatera cette grosse question.

Je vous entends répondre qu’il faudra nécessairement opter entre l’hérédité et l’élection. Ceci est rigoureusement vrai, sans être pour cela plus simple, car, s’il n’y a qu’une seule manière de naître, il en est mille pour être élu.

Vous savez depuis long-temps, par des écrits où j’ai dû creuser cette grave question, ce que je pense de l’hérédité de la pairie. Vous n’ignorez pas que je la crois un peu plus impossible encore dans l’avenir que dans le présent, et que je tiens l’établissement d’une pairie viagère pour plus probable dans la Grande-Bretagne que le rétablissement de l’hérédité ne saurait jamais l’être en France. Moins qu’un autre, monsieur, je porte en une telle matière ces passions désordonnées devant lesquelles abdique la raison humaine. Je crois que des hommes prédestinés dès leur enfance à la vie publique se rendent d’ordinaire plus dignes de leur destinée ; je sais ce qu’une telle position assure d’indépendance en face des factions comme vis-à-vis du trône ; enfin je tiens des pairs héréditaires pour fort capables de procréer des gens d’esprit ; j’accorderai même, si l’on veut, que l’hérédité de la pairie n’est pas un privilége, dans le sens populairement odieux de ce mot. Ces concessions faites, j’en réclame une seule à mon tour, c’est que l’hérédité de la pairie est évidemment impossible. Peut-être ses partisans les plus dévoués auront-ils peu d’objections à