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La Fayette son écolière ; mais, très peu pédant qu’il était, il ne le lui dit pas en vers grecs ni latins. On a son Épître à Sapho, dans laquelle il s’attache à lui déconseiller la gloire, et à l’édifier sur l’amour : c’est une très ingénieuse pièce contre l’immortalité poétique. Hesnault n’y croyait pas. En revanche, on nous dit qu’il avait trois systèmes différens sur la mortalité de l’ame, tant il avait peur d’y manquer. Après avoir démontré, fort joliment, que la gloire après la mort n’est rien, il continue :

Cessez donc, ô Sapho, de vous en faire accroire ;
Dans un monde nouveau ne cherchez plus la gloire,
Et faites succéder, au soin de l’acquérir,
Le soin de la connaître et de vous en guérir.
Mais quoi ? faut-il purger d’une erreur si grossière
Un esprit si perçant et si plein de lumière ?
................
Si vous avez besoin d’être désabusée,
C’est d’une erreur plus fine et plus autorisée :
Le partage des morts se fait peu souhaiter ;
Mais celui des vivans a de quoi vous tenter.
Si la gloire pour vous n’est rien après la vie,
Tandis que vous vivez, elle vous fait envie.
Cependant pourrait-elle exciter un désir,
Si l’on ne la croyait elle-même un plaisir ?
C’en est un, il est vrai, pour quelques ames vaines ;
Mais, hélas ! c’en est un qui donne mille peines.
Il en est, ô Sapho, qui n’ont rien que de doux :
Si vous les connaissez, que ne les cherchez-vous ?
S’ils vous sont inconnus, vous manque-t-il un maître ?
................
Écoutez donc, Sapho, la nature et l’amour.
Je vous viens, de leur part, révéler leur mystère ;
Je n’en parle pas mal et je sais bien me taire.

Hesnault n’y allait point par deux chemins, on le voit ; Mme Des Houlières ne le suivit sans doute qu’avec discrétion. Dans ses vers pourtant, elle s’est ressentie des préceptes généraux du maître. Bayle leur a fait à tous les deux l’insigne et maligne faveur de les impliquer dans une note de son article Spinosa. Il cite d’elle les vers qui terminent l’idylle du Ruisseau :

Courez, Ruisseau, courez, fuyez-nous, reportez
Vos ondes dans le sein des mers dont vous sortez ;
Tandis que, pour remplir la dure destinée