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N’ayant pu empêcher le concile, il songea à s’en servir auprès des protestans, comme il avait fait de la promesse de l’obtenir. Il avait besoin d’eux contre François Ier, alors ligué avec le pape par un traité scellé avec du sang protestant. Il leur fit tour à tour la promesse de ne point laisser délibérer le concile, s’ils le contentaient, et la menace de le tenir lui-même, s’ils résistaient, et de le laisser procéder contre eux. Mais les protestans, qui savaient ses embarras, subordonnaient leur concours à l’arrangement des affaires de religion, et l’amenaient à déclarer, à la diète de Spire, qu’ils eussent à se préparer pour un concile national. Ainsi, ce grand politique, par la raison qu’il n’écoutait que des pensées d’agrandissement personnel, était, en définitive, moins habile que les protestans dont il faisait les affaires contre le pape, parce que, nonobstant le mélange d’arrière-pensées d’indépendance temporelle, le plus grand nombre était par un de ces principes qui sont plus forts que les grands hommes et les grands empires. Il était aussi moins habile que le pape, qui battait sa politique personnelle par une politique antique et de tradition, traversée de temps en temps, mais jamais changée par les complications, d’ailleurs nombreuses, des intérêts personnels de chaque pontife. Quelques mois après cette même diète de Spire, où il avait, en quelque sorte, autorisé solennellement l’Allemagne à se passer du saint-siége, et à régler elle-même sa religion, il faisait sa paix avec la France, et convenait avec le pape de travailler en commun à la défense de l’ancienne religion. L’empereur se liguait avec le saint-siége contre l’empire.

On comprend quelles durent être, au milieu de complications si nombreuses, les peines d’esprit de Mélancthon. Où les autres venaient avec plusieurs desseins manifestes ou cachés, il n’apportait qu’une pensée, et toujours la même, le désir d’une discussion solennelle, et l’espoir d’un arrangement définitif. Ne sachant que penser de tous ces changemens dans les volontés, dont il dit quelque part qu’il y aurait une longue histoire à faire, il renonçait à les pénétrer, et se laissait traîner de diètes en diètes, heureux quand la maladie ou quelque accident l’empêchait d’y prendre part. Il s’était fait une habitude de ne plus espérer, et il cherchait dans les présages, comme un Romain du temps de Camille, l’issue de tant de complications. Durant la diète de Smalcalde, qui se tint en 1540, il avait vu un soir, étant à Gotha, des feux éclater dans l’air : « Que présagent ces feux ? écrit-il. Que Dieu éteigne ces flammes qui doivent dévorer l’Alle-