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MÉLANCTHON.

Pendant quelque temps, l’empereur et les protestans parurent s’entendre contre le pape, parce qu’ils avaient alors un intérêt commun à suivre deux desseins fort différens, qui devaient plus tard amener la guerre entre eux. Tandis que Charles-Quint poursuivait son but, qui était de se faire l’arbitre de la religion en Allemagne, et les protestans le leur qui était de se faire reconnaître définitivement, le pape, qui souffrait également de leurs prétentions et qui vit qu’on n’allait pas à moins qu’à se passer de lui, parla de nouveau du concile, mais en termes plus explicites. Il ne trouva pas de créance. Les protestans qui l’avaient désiré de bonne foi n’en voulaient plus. Ils contestaient au pape le droit de le convoquer, celui de le présider, celui d’y être juge. L’idée d’un concile national, tenu en Allemagne et par les églises d’Allemagne, avait prévalu, et l’empereur avait laissé les esprits s’y attacher, sa place ne pouvant pas être moindre que celle d’un médiateur suprême dans un concile de l’empire. On citait beaucoup d’exemples de conciles nationaux, où le pape n’était pas intervenu. Les catholiques eux-mêmes s’étaient rangés pour la plupart au parti d’un concile national. Quoique n’accordant pas qu’on pût s’y passer du pape, ils le demandaient par désespoir d’obtenir ce concile général, auquel on s’habituait à ne plus croire. Le pape comprit le péril, et, au lieu des instructions ordinaires à ses légats, par lesquelles ils avaient ordre de présenter, dans un lointain qu’ils reculaient à volonté, le remède universel d’un concile, il chargea l’évêque de Moron d’en annoncer la convocation dans l’année. Il en fixait le siége à Trente, non sans avoir insinué Bologne et Mantoue, comme plus convenables à sa vieillesse et à sa santé, afin de faire valoir le choix de Trente comme une faveur pour l’Allemagne.

Une bulle proclama bientôt l’ouverture du concile ; mais, le jour où il fut de l’intérêt de Paul III, qui s’était rapproché de la France, de convoquer le concile, Charles-Quint cessa de le vouloir. Il chercha des prétextes que lui rendaient faciles les dispositions des protestans, lesquels déclaraient n’accepter ni le concile, ni le lieu indiqué, par la raison que le pape n’avait pas le droit de convocation. Il se plaignit d’avoir été mis, dans la bulle, sur le même rang que le roi de France, et déclara qu’il s’y prendrait autrement pour pacifier l’Allemagne. Le saint père n’en envoya pas moins des évêques et des ambassadeurs à Trente, ce qui força Charles-Quint à en envoyer de son côté, avec l’ordre d’observer ceux du pape et de n’engager pas la discussion.