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MÉLANCTHON.

Celui-ci objecta la difficulté d’obtenir une permission de l’électeur et l’inutilité d’un voyage dans un but d’arrangement. Qu’y gagnerait la France ? Qu’y gagnerait la religion ? « Si j’obtiens, disait-il, qu’on ne brûle pas ceux qui ont quitté le froc, faudra-t-il laisser mettre à mort ceux qui n’approuvent pas les liturgies ni le culte des saints ? Mais alors on ne manquera pas de dire que je suis exigeant sur les petites choses et trop coulant sur les grandes. Si j’accorde trop, par la considération du temps, du pape, des personnes, ce sera un préjugé contre moi dans le concile. Qui sait même si le roi de France ne se croira pas quitte avec les nouvelles doctrines, au moyen de quelques conférences où il m’aura appelé, et s’il ne se refroidira pas sur l’idée même d’un concile ? »

De nouvelles instances de Guillaume Du Bellay le décidèrent, et, avant même d’en avoir écrit à l’électeur de Saxe, il avait pris l’engagement de partir. François Ier ne fit pas attendre le sauf-conduit qu’il demandait, et il lui écrivit de sa main, le priant de se hâter, et lui promettant toute sa protection.

Mélancthon demanda le consentement de l’électeur. Il avoua au prince qu’il s’était engagé à faire ce voyage, sauf toutefois son agrément. « Si je manquais à ma promesse, écrivait-il, il semblerait que j’eusse peur ou que je voulusse offenser le roi. Je partirai donc si votre grace m’en donne la permission. Il est bon que les nations étrangères commencent à nous connaître, et nous distinguent des anabaptistes, avec lesquels on affecte de nous confondre. S’il m’est interdit d’aller à Paris, je crains que les partisans de la modération, et le frère de l’évêque de Paris, en particulier, ne soient compromis[1]. »

L’électeur lui répondit par un refus très dur selon Mélancthon, plein de ménagemens, s’il faut en croire l’électeur, écrivant à son conseiller Bruck. On lui opposait les conférences qui devaient avoir lieu au sujet de la Hongrie et de la Bohême, et où le prince pourrait avoir besoin de Mélancthon. En outre, François Ier, faisant ouvertement des préparatifs de guerre contre l’empereur, le consentement de l’électeur au départ de Mélancthon n’eût-il point paru une ouverture au roi de France ? C’étaient là les prétextes du refus. Les vraies raisons, l’électeur les donne à son conseiller dans un post-scriptum de la même lettre. « Il est à craindre, dit ce prince, que Mélancthon

  1. Voir aux pièces justificatives de la Vie de Mélancthon, par Camérarius, édition de Théod. Strobelius.