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en le vermillonnant de petites idées et de commérages, » voilà la part de M. Capefigue : Quia nominor leo. Bien que ces injures doivent disparaître avec la couverture, faut-il croire les autres plus durables ?

Tel est, en essence, ce livre de Hugues Capet, où la témérité des jugemens, on l’a trop vu, passe toute imaginative. Les contradictions, du reste, y sont fabuleuses. Je n’en prendrai qu’un seul exemple. M. Augustin Thierry est attaqué violemment, pour ses idées sur l’affranchissement communal, par M. Capefigue, qui s’en tient, comme il dit, à la méthode savante des bénédictins, ce qui est modeste. Voyons ce que substituera le critique au système des Lettres sur l’histoire de France ? Ce sera d’abord la théorie absolue de M. Raynouard sur la perpétuité des municipes romains. Mais plus loin, la commune est donnée comme d’origine exclusivement épiscopale (tome III, page 211) ; et autre part, cette institution est définie : « Une concession destinée à soulager les habitans et manans ruinés des mauvaises coutumes que les siècles avaient établies. (Tome ii, page 305). Ici ce n’est encore qu’une concession ; mais voici mieux : « La commune fut l’organisation des serfs et des manans pour la défense mutuelle. » (Tome III, page 254.) Nous sommes en progrès. Maintenant, moins le jargon, le système de M. Thierry va se retrouver tout entier dans cette phrase : « La race serve et bourgeoise conquerra bientôt sa liberté, car elle combat aussi hardiment que les féodaux. » (Tome IV, page 79.) Ainsi, aucune manière distincte, aucun ordre, aucune idée suivie ; un ramas de phrases vides et d’enluminures pittoresques.

Le système des races est nié d’une façon absolue, et à la fois il est confusément et incessamment appliqué dans ses détails les plus exagérés[1]. Le symbolisme est traité, à toute page, de chimère, et à toute page ce sont des idées qui se font hommes, des incarnations de l’intelligence ; c’est Grégoire VII dont la lutte avec l’empereur est un mythe où se heurtent deux principes, le baron contre le clerc ; c’est la papauté symbolisée par la basilique, l’empereur par le gonfanon.

J’en ai trop dit. Mais, s’il est des temps pour fermer l’œil, il en est d’autres pour sévir. Une certaine licence, qui le prend elle-même sur le ton sévère, appelle la répression. On a beau dire que quelques livres et quelques auteurs se classent d’eux-mêmes, et qu’il est un degré d’erreur, de versatilité, de témérité, auquel il est mieux de ne pas songer. De nos jours, tout a chance de s’accréditer : La Beaumelle ferait fortune ; rien n’est décrié ; on ne se noie plus ; on ne se coule plus par son propre poids. Des ciseaux attelés à un encrier, selon le mot spirituel de M. Michaud, peuvent aller très bien. Si quelque réclamation énergique et motivée ne venait pas de temps en temps, que sait-on ? on passerait pour avoir admiré ou du moins admis toutes les sottises. La postérité, qui aura bien d’autres choses à faire que de nous vérifier en détail, prendrait le change elle-même sur notre compte, et nous croirait plus naïfs que

  1. Voir les passages formels, tome I, pages 20, 49, 70, 239 ; tome II, pages 57, 343 ; tome III, pages XV, 11, 100.