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REVUE LITTÉRAIRE.

diesse et l’ambition s’en mêlent, s’il méconnaît sa place et son ordre, il faut les lui rappeler. Aux choses trop criantes, il faut aussi opposer son cri.

M. Capefigue a long-temps exercé son activité d’érudition d’une manière assez inoffensive, excepté peut-être à l’égard des faits. Honoré à ses débuts d’un prix académique, ou même de deux, à une époque, il est vrai, où l’Académie des inscriptions semblait livrée à une coterie politique, il a bien vite laissé cette carrière un peu aride pour des excursions plus variées. Mêlé durant des années à la polémique et, pour ainsi dire, à la tracasserie quotidienne de divers journaux, on lui devait du moins cette justice qu’il se piquait d’une certaine impartialité, d’un certain ton conciliateur : et durant le trop court ministère de M. de Martignac, on se rappelait l’avoir vu singulièrement actif à en aider les vues de rapprochement en ce qui concernait les personnes. Jusque-là rien que de très permis ou de louable même, bien qu’il ne semblât point qu’un érudit dût en sortir. La révolution de juillet, en rendant à M. Capefigue tous ses loisirs, l’a mis à même de reprendre une veine par lui négligée. L’Histoire de la Restauration l’occupa en premier lieu : il la publia d’abord sous le simple anonyme, un peu fastueux, d’un Homme d’État. Des communications dues à de véritables hommes d’état, quelques vues de conservation, d’ordre social et gouvernemental, qui n’étaient pas encore passées en lieux communs, pouvaient servir d’excuse ou de prétexte au titre que se donnait l’auteur : il avait causé, on s’en apercevait, avec M. de Martignac, avec M. Pasquier, avec M. Mounier. Ces conversations pourtant étaient mises en œuvre médiocrement : aucun tableau d’ensemble dans les faits ; des réflexions sautillantes, des locutions ambitieuses et mal soutenues ; le mot haut et haute, par exemple (une haute capacité, une haute vue, une haute politique), revenant à satiété dans des pages d’une trame fort plate. Malgré ces défauts, le livre se lisait assez commodément, à titre d’histoire provisoire et en attendant l’historien.

Mais M. Capefigue ne s’en est pas tenu à ce genre de compilation née des journaux de la veille et des conversations du matin ; ses premiers succès d’érudit et ses nouveaux loisirs l’ont ramené au goût des vieilles chroniques, et il s’est mis à chevaucher à travers champs dans notre histoire, reconquérant une à une toutes les grandes époques jusqu’à Philippe-Auguste et remontant encore par-delà. Le nombre de volumes qu’il a laissé échapper là-dessus depuis très peu d’années, et indépendamment de ses autres écrits de circonstance, se monte déjà à une quarantaine de volumes, et il ne paraît pas à la veille de se borner. Son ambition s’est mise au pas de tant de qualités si rapides : rencontrant dans ses courses multipliées presque tous les noms illustres contemporains, il s’est lassé de la concurrence, et aujourd’hui dans son livre de Hugues Capet, il tranche décidément du ton féodal, il demande hardiment à chacun : Qui t’a fait roi ?

C’est ici qu’il faut l’arrêter. J’ai eu le tort de rappeler tout récemment, dans cette Revue, le nom de Varillas, à propos de M. Capefigue. Varillas a laissé, il est vrai, d’insignifians et innombrables volumes d’histoire, aujourd’hui oubliés ; mais, en vérité, c’est là sa seule similitude, dans le présent et dans l’avenir,