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LA MARINE MARCHANDE GRECQUE.

Aux jours de l’insurrection, Hydra servit bravement la patrie de ses hommes et de ses vaisseaux. En vertu des lois qui portent que les volontaires de la guerre de l’indépendance seront récompensés par des concessions de terrains, les marins des îles ont été placés dans une fausse position, car ils ne sont ni ne peuvent être laboureurs. Leur métier, comme celui de leurs pères, c’est de courir la mer. Ils demandèrent donc au gouvernement royal des indemnités d’une autre nature, et ils les demandèrent presque comme ils avaient demandé la liberté aux Turcs. On apaisa la sédition, mais bon nombre d’Hydriotes allèrent augmenter les équipages de la flotte ottomane, sur laquelle ils reçoivent des gages qui les mettent à même de donner du pain à leur famille. Le gouvernement grec, de son côté, s’empressa de placer sur ses bâtimens de guerre des marins d’Hydra de préférence aux autres, et c’est encore du pain pour de nombreuses familles de l’île. Le reste vit, à ce qu’on assure, des sacrifices faits par une maison opulente, qui cherche ainsi à retenir le plus possible les habitans, afin d’exercer toujours un patronage qui la rend influente.

Syra, rocher nu et aride, n’a qu’un port et de l’eau. Rien, par conséquent, qui puisse attacher l’homme au sol, ni le jardin, ni le champ héréditaire. L’intérêt commercial peut seul y retenir les exilés que Syra accueillit dans un temps de désolation. Si donc un jour l’intérêt commercial était déplacé, on aurait à redouter le déplacement de la population. Cette réflexion doit être sans cesse présente à l’esprit du gouvernement hellénique.

Déjà, dit-on, quelques symptômes d’émigration commencent à se manifester parmi les Sciotes qui habitent Syra. Sont-ils le prélude d’une fuite générale ? il faut espérer que non, et pour la Grèce, et pour les Sciotes eux-mêmes.

On a pensé que le moyen de retenir la population de Syra, et d’accroître sa prospérité, serait de déclarer l’île port franc. Le gouvernement grec s’est livré à l’examen de cette question avec une attention consciencieuse ; mais, dans l’état où sont encore ses finances, et le roi s’efforçant constamment d’arriver à un budget normal, le gouvernement a dû hésiter à se priver d’une grande partie de l’impôt de Syra. Généralement, on ignore en France les difficultés administratives contre lesquelles lutte le roi Othon. Pendant sa minorité, ses tuteurs ont dissipé sa fortune et celle de son peuple. Maintenant il s’occupe à refaire l’une et l’autre avec une persévérance qui l’honore, et dont on devrait lui tenir plus de compte.

La difficulté matérielle n’est pas la seule qui empêche le roi d’affranchir Syra de l’impôt : il y a de plus une difficulté politique ; car que diraient les blessés, les vétérans de l’insurrection grecque, ceux qui ont été pillés, spoliés, ceux dont les maisons ont été incendiées, les navires détruits ? Ne considéreraient-ils pas comme une injustice qu’une île que la guerre a enrichie reçût des avantages si importans, et cela au préjudice de leurs îles que la guerre a ruinées ? Si vous faites de Syra un port franc, diront les Hydriotes et les Spetziotes, comment récompenserez-vous Hydra et Spetzia ?

Cependant, on sera peut-être forcé de prendre un parti ; car, si la Porte