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comble à l’avilissement de ce malheureux prince, dont la lâcheté était déjà proverbiale en Europe, il ne laissait aux partisans de sa cause ni l’espérance de le voir triompher, ni le courage d’avouer leurs sympathies, ni la volonté de le secourir. Telle était en effet la situation à laquelle les terribles exécutions d’Estella et les ignominieuses rétractations que la peur avait arrachées à don Carlos, avaient réduit dans les provinces du nord de l’Espagne la cause personnelle du prétendant, lorsque la première entrevue révéla le progrès des négociations entamées pour la pacification des provinces insurgées. Bientôt ces négociations prirent une allure plus décidée. Don Carlos ne les ignorait certainement pas ; mais découragé lui-même, ou se faisant illusion sur les conditions qu’on obtiendrait d’Espartero, il n’osait pas se déclarer ouvertement contre son général. Enfin une entrevue eut lieu le 26 du mois dernier entre le duc de la Victoire et Maroto, accompagné de plusieurs chefs carlistes dévoués à sa personne, et d’un jeune Français, le marquis de Lalande. Elle avait été préparée par des communications antérieures de Simon Torre et du colonel Martinez avec Espartero. Le colonel anglais Wylde, envoyé depuis long-temps à l’armée du Nord par son gouvernement, s’y était aussi employé avec ardeur.

Il est certain que Maroto a demandé, outre la reconnaissance des fueros, outre une amnistie générale et la confirmation de tous les grades régulièrement obtenus dans l’armée des provinces, le mariage du fils aîné de don Carlos avec la jeune reine Isabelle II. Mais Espartero n’avait jamais témoigné la moindre disposition à favoriser un pareil arrangement, et ni l’Angleterre, ni la France ne regardaient cette condition comme admissible. Elle fut effectivement repoussée, et Maroto n’insista point. Il soutint une lutte plus longue et plus opiniâtre pour la reconnaissance des fueros ; il la voulait absolue, complète et sans restrictions, tandis que le général des troupes de la reine ne croyait pouvoir que prendre l’engagement de la recommander aux cortès. Ce fut la cause de la rupture des négociations, le 26 août. Simon Torre les reprit le lendemain, et paraissait disposé, pour son compte, à se contenter des garanties que Maroto avait jugées insuffisantes. Mais le bruit d’une pacification prochaine s’était répandu dans le Guipuzcoa et dans la Biscaye ; les bataillons insurgés de ces deux provinces déposaient spontanément les armes, et don Carlos, irrité de se voir abandonné, paraissait prêt à se porter aux dernières extrémités contre Maroto et les autres chefs de son parti. La situation n’était donc plus entière, Maroto n’en était plus le maître. Du moment que don Carlos, repoussant toute transaction, cherchait à perdre son général et à réagir contre le parti provincial, en se mettant à la tête du parti apostolique, Maroto et ses amis, convaincus de la nécessité de traiter, devaient précipiter le dénouement, pour réaliser leur projet, quoique d’une manière incomplète, et pour se dérober eux-mêmes aux vengeances du prétendant.

C’est le 29 août que les bataillons du Guipuzcoa et de la Biscaye ont mis bas les armes et fraternisé avec les troupes constitutionnelles. Don Carlos s’est retiré en Navarre. Tout ce qui lui reste de forces est en proie à l’anarchie et se désorganise rapidement. De grands désordres ont signalé ces derniers jours.