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famille des poètes lyriques d’Égine, peut-être connaîtrions-nous les noms des successeurs de Smilis. À l’époque de la guerre des Perses, où les Hellènes semblèrent déposer toutes leurs rivalités pour défendre en commun tous leurs biens et proclamer toutes leurs gloires, les Éginètes reparaissent au premier rang et en grand nombre parmi les autres sculpteurs de la Grèce. C’est d’abord Callon, que, selon les témoignages contradictoires de Pline et de Quintilien, on place, ou avant la bataille de Marathon, ou après celle d’Ægos-Potamos, intervalle immense que ne peut combler la vie d’un seul homme. Ensuite ce sont Glaucias, qui fit les statues de plusieurs athlètes vainqueurs dans les jeux ; Anaxagoras, auteur du Jupiter que les Grecs placèrent à Élis après la bataille de Platée ; Onatas, renommé par une multitude de beaux ouvrages, et qui jouit dans son temps d’une véritable suprématie ; puis, Simon, Ptolichus, Theopropus, Aristonous, Philatimus. Il est assez difficile de fixer la date de quelques-uns de ces derniers ; les premiers paraissent être les contemporains d’Ageladas, le maître de Phidias ; ils vécurent entre la guerre des Perses et celle du Péloponèse.

Tout s’accorde pour faire penser que ces sculpteurs n’imitaient point servilement la manière de Smilis, quoiqu’ils se rattachassent à sa tradition. M. Mueller a une violente suspicion contre eux ; il voit bien qu’ils sont d’Égine, mais il se demande si l’on peut dire que leurs ouvrages appartinssent au style éginétique. Cependant il est forcé de convenir que ses scrupules sont détruits par ce que Quintilien dit de Callon, dont il compare la sculpture rude et archaïque à celle des Étrusques. Alors il conclut que les émules de Callon formèrent dans l’art éginétique une seconde époque, qu’il appelle aussi dernière parce que la plupart d’entre eux survécurent à la catastrophe de leur pays, et qu’il nomme encore grande et sublime en l’assimilant, d’après la classification de Winckelmann, à ce que fut, pendant la génération suivante, l’époque de Phidias pour l’école attique. La suite fera voir ce que nous trouvons à reprendre dans ces deux assertions. Constatons ici un fait de la plus haute importance.

Le plus grand nombre des artistes que nous venons de citer se sont rendus célèbres en exécutant les statues des athlètes couronnés dans les jeux publics. Cette récompense solennelle, décernée par les villes aux vainqueurs, fut, comme on le sait, plus encore que la religion qui se contenta long-temps d’idoles grossières, l’origine de la statuaire grecque, et la cause de ses progrès. Nul peuple ne paraît avoir été plus capable que celui d’Égine de fournir des triomphateurs aux