Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 19.djvu/837

Cette page a été validée par deux contributeurs.
817
LES MARBRES D’ÉGINE.

en conclut naturellement que Menœtius et Éaque étaient frères, c’est-à-dire que les Achéens de l’île d’Égine et ceux de la Phthie avaient une commune origine. Les Éginètes sont connus sous le nom de Myrmidons aussi bien que les guerriers d’Achille ; ils partageaient également avec eux le nom d’Hellènes, qui, dans les premiers temps, était particulier à ces deux peuples, sortis d’une même souche. On trouve dans Pindare la preuve que le Jupiter panhellénien, dans le temple duquel on a trouvé les marbres qui nous occupent, ne s’est long-temps appelé que Jupiter hellénien. Jupiter est le dieu des Pélasges ; la première colonie qui habita Égine l’y adora ; Éaque, qui y conduisit une seconde colonie, se plaça sous sa protection, et le salua, en échange de l’adoption qu’il lui demanda, du nom d’Hellénien, qui était celui des hommes qui le suivaient. Qu’étaient donc les Hellènes ? Homère nous l’apprend dans le dénombrement des forces de la Grèce :

Μυρμιδόνες δὲ καλεῦντο καὶ Ἕλληνες καὶ Ἀχαιοί.

C’était un petit peuple qui occupait un espace borné dans la Phthiotide, et qu’on appelait aussi Myrmidons. Mais pourquoi Homère leur donne-t-il encore le nom d’Achéens ? Les Achéens étaient-ils un peuple antérieur aux Hellènes, et dont ceux-ci faisaient partie, ou bien, selon une tradition plus généralement reçue, n’étaient-ils, comme les Ioniens, les Éoliens, les Doriens, qu’une portion de la famille d’Hellen ? L’antiquité est à ce sujet pleine de mystère ; elle a laissé le champ libre aux systèmes. Mais ce dont on ne saurait douter, c’est que, les premiers entre les Hellènes, les Achéens soient descendus des montagnes de la Thessalie pour inonder les champs possédés par les Pélasges, lesquels venaient sans doute aussi des mêmes lieux, et différaient peut-être seulement de leurs vainqueurs par une plus longue jouissance des rivages méridionaux de la Grèce. Ce nom d’Achéens, qui devait être prononcé le dernier dans l’histoire des combats de la Grèce libre, est donc inscrit le premier dans celle de sa civilisation. Les Hellènes Achéens se partagèrent en deux troupes : l’une, sous Menœtius, fonda le royaume de Phthie ; l’autre, sous Éaque, colonisa Égine, après s’être probablement arrêtée en d’autres lieux, en Béotie d’abord, à Sicyone ensuite.

Éaque était le plus pieux des princes. M. Mueller l’appelle avec raison le Numa de la Grèce. Quand on avait une contestation à vider, ou une demande à adresser aux dieux par une voix propice, c’était aux pieds d’Éaque qu’on accourait de toutes les vallées et de tous les