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critique ; mais ayant eu le bonheur d’en rencontrer un exemplaire au moment où je pensais avoir terminé l’étude de mon sujet, je peux, sans m’écarter de mon but, faire connaître les principales opinions de cet ouvrage, et en discuter quelques-unes.

C’est non seulement dans l’art, mais encore dans la marine, dans le commerce, dans la guerre, que les Éginètes ont devancé la plupart des peuplades grecques ; ainsi Sienne et Pise, dans le moyen-âge, ont donné le signal de la civilisation de l’Italie et de l’Europe, pour disparaître ensuite et s’ensevelir dans les prospérités de Florence, leur héritière. Partout l’art s’explique par l’histoire, et nous ne pouvons séparer l’un de l’autre, si nous voulons prendre une notion complète de la statuaire des Éginètes.

Œnone était le nom primitif d’Égine. M. Mueller pense qu’il lui avait été donné par les Pélasges ; il ajoute même que Budion, venu des côtes de l’Attique, est le premier fondateur de cette colonie. Mais les traditions d’Égine ne présentent quelque clarté qu’au moment où Éaque devient roi de cette île. Apollodore et les autres mythologues disent qu’il était fils de Jupiter et de la nymphe Égine, fille d’Asope. Asope était le nom de deux fleuves, dont l’un coulait dans la Béotie et l’autre près de Sicyone. L’antiquité elle-même nous a appris que cette fable indique le point d’où la colonie des Éginètes était partie, et qu’elle désigne l’Achaïe comme leur patrie originaire. Il y avait aussi à Égine un torrent qui s’appelait Asope, pour perpétuer ce souvenir. C’était l’habitude des anciens de donner les noms du pays qu’ils quittaient aux lieux vers lesquels ils dirigeaient leurs émigrations ; et la Thessalie, que les Grecs ont regardée comme leur berceau commun, renfermait sans doute en abrégé tous ces types et toutes ces dénominations que ses enfans allèrent répandre ensuite sur les rivages du Péloponèse et de l’Attique, dans les archipels, sur les côtes de l’Asie-Mineure et sur celles de l’Italie. Quel était l’Asope qui avait directement enfanté celui d’Égine ? Était-ce de Sicyone ou de Béotie que venait Éaque ? Cette question est dominée par celle-ci : Qu’étaient-ce que les Achéens ?

M. Mueller a singulièrement modifié ce problème, en signalant un passage de Pindare, poète aussi réfléchi qu’inspiré, et qui semblait posséder une science en quelque sorte sacerdotale sur les origines de la Grèce. Ce passage établit que le véritable époux de la nymphe Égine asopide était Actos, personnage connu dans la mythologie homérique pour être le père de Menœtius, qui était lui-même le père de Patrocle, et le frère ou l’oncle de Pélée, père d’Achille. On