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LES MARBRES D’ÉGINE.

vail témoigne de l’importance qu’il attache aux figures qui en sont l’objet.

L’architecte de la banque de Londres, homme doué de toutes les distinctions de l’esprit, M. Cockerell, avait entrepris, en 1811, un voyage pour visiter les monumens de la Grèce et de l’Archipel, de concert avec MM. le baron Haller de Hallerstein, Forster et Linck : arrivés dans l’île d’Égine, ces explorateurs se mirent en devoir de prendre l’élévation du temple de Jupiter panhellénien ; en plaçant leurs jalons, ils découvrirent, cachées à peine sous quelques pieds de terre, dix-sept figures en ronde bosse, marquées d’un cachet particulier ; ils les firent transporter à Rome, où Thorwaldsen les restaura ; c’est là aussi qu’ont été moulées les épreuves que nous possédons à Paris. De Rome, ces statues ont passé à Munich, où le roi Louis, qui n’était encore que prince héréditaire, a fait don à son pays de ce qui était devenu sa propriété. Voilà toute la partie moderne de l’histoire des marbres d’Égine. Essayons de remonter dans le passé, de décrire le lieu qu’ils ornaient, de déterminer l’époque où ils furent façonnés, de préciser leur signification et leur caractère.

III. — HISTOIRE D’ÉGINE. OPINIONS DE M. OTFRIED MUELLER.

Égine est la plus grande des îles de ce golfe carré, qui est terminé au nord par l’Isthme de Corinthe, et qui, baignant à l’orient les côtes de l’Attique, au couchant celles de l’Argolide, s’épanouit au midi de l’archipel des Cyclades ; elle est jetée comme un triangle lumineux au milieu de l’azur de cette mer étroite de Salamine, sur les écueils de laquelle l’Asie tout entière vint se briser. Elle n’a guère que sept lieues de tour ; son diamètre moyen est d’un peu plus de deux lieues. Sur ce petit espace se développa un des peuples les plus précoces et les plus industrieux de l’antiquité.

M. Otfried Mueller, l’auteur de l’histoire des Doriens, a débuté, en 1817, dans la carrière de l’érudition, par un petit livre où il a essayé de reconstituer l’histoire des Éginètes. Cet ouvrage, qui a pour titre Ægineticorum liber, et qui est excessivement rare, abonde en critiques savantes et en points de vue ingénieux ; il est écrit avec un laconisme qui décèle les secrets penchans de l’auteur pour les traditions archaïques ; mais cette qualité même et le grec donc il est hérissé en rendraient la lecture fort difficile dans notre pays. Aussi n’est-il point étonnant qu’il n’y ait pas provoqué de controverse jusqu’à ce jour. Je ne saurais entreprendre d’en faire ni l’analyse, ni la