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représentant plusieurs divinités ; ceux-ci pourraient bien n’être que des imitations postérieures.

C’est dans la troisième salle qu’on a placé les marbres d’Égine, qui forment la transition entre l’art appelé étrusque et l’art grec proprement dit. Comme ils sont le principal sujet sur lequel je veux insister, je me contenterai d’ajouter ici qu’ils représentent en quelque sorte le gothique de la Grèce ; puis, pour ne pas laisser oublier le point de vue historique d’après lequel toute la galerie a été classée, je me hâte de passer à la quatrième salle, à laquelle on a donné le nom d’Apollon, parce que son plus bel ornement est une statue de ce dieu. Ce célèbre Apollon Cytharœdus est souvent désigné dans l’ouvrage de Winckelmann sous le nom de Muse du palais Barberini. Ce n’est pas le seul morceau que la Glyptothèque ait enlevé à ce palais, et si l’on joint à ceux qu’elle en a tirés, la magnifique collection romaine du palais Bévilacqua de Vérone, on aura à peu près l’ensemble des monumens qu’il nous reste à signaler dans la Glyptothèque. L’Apollon Cytharœdus est antérieur à la grande époque athénienne ; c’est néanmoins un des marbres qui ont le plus frappé Winckelmann. Dans les Monumens inédits et dans l’Histoire de l’art, il est cité comme un ouvrage sublime, doué d’une grace austère bien préférable, aux yeux de l’auteur, à cette grace attrayante qui fut l’objet de l’émulation des successeurs de Phidias. Je ne crois pas qu’il y ait beaucoup à reprendre sur l’époque fixée pour son exécution. Ses formes sont allongées et d’une maigreur adorable qui semble être la dernière expression de l’archaïsme ; ainsi Pérugin a résumé, par des corps d’un élancement gracieux, cette sécheresse des maîtres antérieurs à laquelle Raphaël allait substituer un dessin plus large et plus animé. Winckelmann s’était trompé sur la désignation de cette statue, parce qu’il avait oublié de lui faire l’application d’un principe qu’il avait proclamé lui-même. Les Grecs, voulant personnifier la jeunesse dans Apollon et dans Bacchus, avaient donné à ces deux divinités, qu’ils adoraient souvent dans la même statue, les formes délicates du sexe féminin ; ils les représentaient même avec la coiffure des femmes, ce qui avait déjà fait faire aux archéologues plusieurs confusions que Winckelmann a relevées avec soin. Une épigramme grecque d’Antipater, qui attribuait à Agéladas, maître de Polyclète, une muse portant un barbiton, avait confirmé l’erreur du critique allemand. On a retrouvé dans les peintures d’Herculanum, dans d’autres monumens, dans les convenances même de la figure qui est une statue de temple, assez de preuves pour justifier le changement de nom qu’on lui a fait