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DU GOUVERNEMENT REPRÉSENTATIF EN FRANCE.

en faisant une question de cabinet de leur candidature à la plus éminente des dignités électives, on les a vus accepter cet étrange programme que tout le monde pouvait à coup sûr signer des deux mains, car son article le plus hardi consistait à dire que les ministres qui prenaient les affaires n’étaient pas les mêmes que ceux qui les quittaient. Si la gauche fit, contre l’exiguïté de ces concessions, des réserves mentales, ce dont je doute un peu, elle se garda du moins d’en faire d’expresses. Pressée d’acquérir à son tour, par la possession du pouvoir, cette expérience pratique qu’on lui conteste, et dont son patriotisme ne veut pas plus long-temps laisser manquer le pays, elle se montra de facile composition. On la vit abandonner les grandes thèses qui alimentaient sa polémique depuis la fondation du système du 13 mars, acceptant par prescription les lois de septembre, procédant par voie d’ajournement indéfini quant à la réforme électorale, et protestant, avec une énergie qu’auraient enviée les rédacteurs des protocoles de Londres, de ses intentions conciliatrices et pacifiques.

Un tel héritage d’incertitudes et d’incohérences était lourd à porter. De telles difficultés, dont les chambres sont, au reste, moins comptables que les temps, ne peuvent manquer de rendre l’action du pouvoir incertaine et flottante, en quelque main qu’il soit placé ; elles imposent à tous la modération comme un devoir. Comment se passionner pour ou contre des personnes, lorsque les circonstances dominent à ce point les hommes, non que celles-ci soient chargées d’éminens périls, mais parce qu’il faut mesurer les difficultés à la force, et que les temps ôtent à chacun sa force personnelle sans en prêter à personne ? La voix la plus énergique expire dans un milieu où l’on a fait le vide. Dotez-vous à plaisir de toutes les qualités qui constituent l’homme supérieur ; qu’avec un esprit de transactions et d’expédiens vous possédiez un coup d’œil prompt et sûr, une persévérance imperturbable, une résolution à toute épreuve, soyez tel que vous voient vos flatteurs, tel que vous vous voyez vous-même, en renchérissant peut-être sur eux, et dites si tant de qualités qui semblent s’exclure, et que je réunis sur votre tête privilégiée, comme si votre berceau avait été visité par les fées bienfaisantes, suffiraient pour donner à cette société ce qui lui manque, du ressort et de la foi politique ! Dites-moi si vous espérez bien sérieusement encore voir tomber devant le droit divin de votre génie ces rivalités personnelles, ces jalousies d’autant plus vivaces qu’elles seraient plus fondées ? Vous flattez-vous qu’on acceptera votre suprématie sans la discuter, que