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cratie ; son instinct lui révèle qu’à cet égard il y a, malgré les formes du langage, identité presque absolue de doctrines et de sympathies entre toutes les fractions de l’opinion dynastique, depuis le centre jusqu’à la gauche : aussi les dates du 11 octobre, du 6 septembre, du 22 février, du 15 avril et du 12 mai, ont-elles à peu près une égale valeur à ses yeux. Si la presse est parvenue à dépopulariser quelques noms et à en exalter quelques autres, ces préférences ne sont guère plus vives que ces repoussemens ne sont profonds : il y a au fond de tout cela bien plus d’indifférence et d’apathie qu’on ne le soupçonne.

La coalition récente dont vous vous déclarez inhabile à pénétrer les causes, et dont vous me suppliez de vous faire comprendre les résultats, a été l’expression la plus complète et la plus vraie de cette crise à laquelle sont en ce moment soumises toutes nos institutions politiques. Si vous l’étudiez au sein du parlement, vous verrez qu’elle constate l’anéantissement des anciennes classifications, mais sans laisser encore entrevoir le germe d’une organisation nouvelle ; si vous l’étudiez au sein du pays, vous acquerrez la preuve de cette hésitation et de cette lassitude dont est manifestement atteinte l’opinion gouvernementale.

Je dois m’expliquer nettement sur une telle combinaison, car il s’agit ici non d’un simple accident dans le mouvement constitutionnel, mais d’un symptôme où se peint et se révèle une situation tout entière. Dans le cours de cette correspondance, j’aurai peu de noms contemporains à prononcer, je n’aurai guère non plus à toucher aux questions irritantes ; mais lorsque la force des choses pourra me contraindre à les aborder, je le ferai avec l’indépendance d’un homme qui n’a donné à personne hypothèque sur sa parole, et qui entend conserver toute sa vie le droit de dire avec mesure, mais sans nulle réticence, ce qu’il estime la vérité.

Les coalitions ne sont pas sans doute chose nouvelle dans l’histoire des gouvernemens représentatifs ; mais il est rare que la morale les avoue, il est plus rare encore qu’elles aient atteint leur but sans le dépasser. Sous la restauration, l’union d’un moment de la gauche avec la droite fraya les voies du pouvoir à un parti dont les fautes rendirent impossible l’accord si désirable de la dynastie et de la France. Des coalitions ont marqué les phases les plus critiques de notre histoire révolutionnaire ; enfin, votre patrie ne traversa jamais de pires épreuves qu’aux jours où Fox et North se donnèrent la main. Alors on vit aussi tous les antécédens méprisés, toutes les doctrines confondues, et l’on put croire que le dernier jour des institutions