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en même temps un devoir d’ajouter que je n’ai eu, à ce sujet, aucune conversation avec le roi. »

Je n’ai pas besoin de dire, je pense, que cette dépêche était adressée, par le duc de Wellington, à M. le duc d’Orléans. À défaut d’autres circonstances, si nombreuses dans la vie de ce prince, cette lettre suffirait pour expliquer et pour motiver le vœu national qui l’a appelé au trône en 1830.

La politique des alliés était de séparer Napoléon de la France, et lord Wellington la pratiquait, on le voit, avec une certaine habileté. Lord Castlereagh disait, il est vrai, dans un memorandum, que l’exclusion de Bonaparte était une des conditions du traité de 1814, mais que la France pourrait se donner la forme de gouvernement qui lui conviendrait. La question était mieux placée par lord Wellington. Il est certain que le débat était entre Napoléon et Louis XVIII, entre la dynastie impériale et la race de saint Louis ; pour la France, elle craignait à la fois le despotisme de Napoléon et la tendance des Bourbons. La crainte de l’anarchie la jeta dans les bras du vainqueur, et, après la bataille de Waterloo, le vainqueur, c’était Louis XVIII que ramenaient ses alliés. Si l’empereur l’eût emporté, la France se serait soumise à lui, et Napoléon y comptait bien. Quant au duc de Wellington, qui remplissait avec zèle son rôle de commandant en chef des armées alliées, il ne faut pas oublier, pour apprécier sa modération, de songer, en lisant ses lettres, qu’elles furent écrites au temps où le gouverneur général des provinces prussiennes du Rhin terminait ainsi une de ses proclamations : « Marchons pour écraser, pour partager cette terre impie que la politique des princes ne pourrait plus laisser subsister un instant sans danger pour leurs trônes. » Ces vues étaient celles de presque tous les généraux alliés, et le bon vieux Blücher, s’il avait attaché la moindre valeur à un écrit quelconque, et s’il avait été capable de faire une proclamation, n’eût pas tenu un autre langage.

Si l’on veut comprendre toute la différence qu’il y avait entre le prince Blücher et le duc de Wellington, non sous le rapport intellectuel (la seule pensée d’une comparaison de ce genre serait injurieuse à lord Wellington), mais en ce qui était de leurs sentimens à l’égard de la France, il faut lire les dernières lettres de ce curieux recueil. La bataille de Waterloo avait eu lieu, les armées ennemies s’avançaient en France, l’abdication de Napoléon avait été portée aux chambres ; l’armée française, restée sans chef après Waterloo, se dispersait de toutes parts, et les relations secrètes des alliés avec le