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DÉPÊCHES DU DUC DE WELLINGTON.

protestations silencieuses ou par l’éloignement volontaire, entre Napoléon et le parti royaliste, armé contre la France. Sous ce point de vue, la lettre suivante offre un vif intérêt historique. Elle fut écrite à Bruxelles le 6 juin 1815. « J’ai reçu la lettre de votre altesse en deux parties, et j’y aurais déjà répondu si je n’avais désiré donner, au sujet qu’elle traite, toute l’importance qu’il mérite.

« Dans mon opinion, le roi a été renversé de son trône parce qu’il n’avait pas le commandement réel de son armée. C’est là un fait dont votre altesse et moi nous sommes tombés d’accord et que nous avons fréquemment déploré ; et même, si des fautes partielles et des erreurs n’avaient pas été commises dans l’administration civile, le résultat n’eût pas été autre, à mon avis.

« Il faut considérer le roi comme la victime d’une révolte accomplie par son armée, et par son armée seule ; quoique due aux opinions et aux sentimens de quelques-uns de ceux qui ont figuré dans la révolution et à l’apathie de la masse de la population en France, je pense que, si les premiers étaient opposés à l’ordre de choses, les seconds l’auraient défendu s’ils avaient été soutenus.

« Maintenant, cela étant, que devait être la conduite du roi ? D’abord il devait appeler ses alliés pour l’aider à s’opposer à la rébellion, et, par sa contenance personnelle, par l’activité de ses serviteurs et de ses adhérens, il devait faire tout ce qui était en son pouvoir pour faciliter leurs opérations, et pour diminuer, par de bonnes mesures, les chances de la guerre qui menaçaient ses sujets, comme aussi les préparer à recevoir les alliés comme des amis et des libérateurs (as friends and deliverers). Le roi donnait ainsi aux alliés un intérêt à soutenir sa cause, et il se servait en favorisant leurs progrès.

« Comme votre altesse le voit, je diffère donc d’opinion avec elle, en ce qui regarde la conduite du roi.

« En ce qui concerne votre altesse, je confesse que je ne sais pas comment votre altesse aurait agi d’une manière différente dans la présente situation. Il n’est pas nécessaire que je revienne sur les différentes raisons que vous avez de vous tenir éloigné de la cour depuis qu’elle est à Gand, mais je les sens toutes, et je crois que le roi n’est pas insensible à la gravité de quelques-unes d’entre elles.

« Mais si, comme on peut l’attendre, l’entrée et les premiers succès des alliés en France décident le peuple à se prononcer pour le roi dans différentes parties du royaume, votre altesse considérera qu’il sera de son devoir de se mettre en avant pour le succès du roi. Je me hasarde à suggérer cette conduite à votre altesse, et je me fais