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pole, que l’Angleterre dirigeait alors à son gré. C’est dans ce but que lord Wellington exhortait Ferdinand VII à tenir les promesses qu’il avait faites à ses sujets dans un décret du 4 mai ; car il espérait que Ferdinand VII, en donnant à l’Espagne le régime constitutionnel, trouverait plus facilement de l’appui dans le parlement, et que les rapports des deux nations se renoueraient ainsi plus étroitement. On voit par là que lord Wellington était alors déjà ce qu’il est aujourd’hui, un tory éclairé et sans passion, qui sait subordonner ses penchans de parti aux intérêts véritables de la nation anglaise. Quelque temps après, lord Wellington quitta Madrid sans avoir mené à fin sa négociation, et donna sa démission de commandant en chef des armées espagnoles, pour rentrer dans la vie privée, ou du moins pour se tenir à la vie d’homme politique en Angleterre. On sait quelles magnifiques récompenses il y trouva. Le parlement, qui lui avait déjà voté 200,000 livres sterling, lui vota encore un demi-million sterling (douze millions et demi), et, au moyen des places qui lui furent accordées, ses appointemens s’élevèrent à une somme presque égale au revenu de ce capital. Ce vote eut lieu nem. con., comme on dit dans le parlement, c’est-à-dire à l’unanimité.

Là se serait sans doute terminée la carrière militaire du duc de Wellington, sans le retour de Napoléon.

Il est facile de voir que le duc de Wellington prévoyait les malheurs du gouvernement de Louis XVIII, et il en apprécia si bien les causes dans une lettre qu’il écrivit de Paris au général Dumouriez, dans le mois de novembre 1814, que l’événement du 1er  mars 1815 ne dut pas le surprendre. On a souvent énuméré les torts, ou, si l’on veut, les fautes du gouvernement de Louis XVIII, dans la première année de la restauration. La nation, blessée dans ses idées de gloire, les propriétaires de biens nationaux inquiétés par les émigrés, le rétablissement de la maison militaire de Louis XIV, telles sont les causes de la chute de ce gouvernement selon les écrivains. Lord Wellington explique l’état des choses d’une manière plus précise, et toujours dans un sens positif, comme l’y porte la nature de son esprit : « Tout est neuf ici, écrit-il à Dumouriez trois mois avant le débarquement de Napoléon ; tout est neuf ici, et vous savez que les choses neuves, surtout quand elles sont compliquées, ne vont pas bien. » Ce qui cause tout le mal, selon lord Wellington, ce qui fait le mécontentement général en France, c’est la pauvreté universelle. Le généralissime anglais ne voit que misère autour de lui, dans notre pays. Cette malheureuse révolution et ses suites, s’écrie-t-il, ont ruiné le pays