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hommes sur la Tormès, de venger les armes françaises. Lord Wellington, favorisé par un affreux orage, échappa à la bataille que lui offrait le duc de Dalmatie, et bientôt l’insurrection de toute l’Espagne et le débarquement de nouvelles forces anglaises à Alicante rendirent nos affaires désespérées. Lord Wellington se trouva alors en mesure de prendre l’offensive, et la dernière faute que l’on commit en acceptant une bataille dans la mauvaise position de Vittoria acheva de le rendre maître des évènemens. Après cette affaire, l’armée française n’eut plus d’autre position militaire que sur les Pyrénées. On sait comment Napoléon, qui espérait jusqu’alors pouvoir tirer des renforts de la Péninsule, vit tout à coup ses frontières découvertes, et appela en hâte vers lui le maréchal Soult, qu’il nomma son lieutenant-général en Espagne, en remplacement du roi. Il était trop tard, et le maréchal ne put réparer, dans cette position suprême et désormais incontestée, les désastres auxquels, il faut bien le dire, avaient contribué les passions jalouses de nos maréchaux. S’il eût été seul chef des armées françaises en Espagne dès le commencement de la campagne, le maréchal Soult eût sans doute résisté à lord Wellington, et il eût donné une autre face à cette guerre ; mais le roi Joseph n’avait pas assez d’ascendant pour se faire obéir, et le maréchal Jourdan, qui commandait sous ses ordres, n’exerçant pas le pouvoir en son propre nom, ne pouvait dominer, comme il l’eût fallu, les chefs des différens corps d’armée employés en Espagne. Le maréchal Soult, je le répète, fut investi trop tard du commandement. Les rivalités des généraux les avaient déjà compromis vis-à-vis les uns des autres, et l’armée n’avait que trop suivi cet exemple d’indiscipline. Lord Wellington, seul chef des forces combinées de l’Angleterre, du Portugal et de l’Espagne, était au contraire dans une situation favorable ; et, bien que tracassé par le cabinet anglais et par le parlement, bien qu’assailli de réclamations de la part de ses alliés, rien de sérieux ne s’opposait à l’exécution de ses ordres. Ajoutons que l’amour-propre ne joua jamais le moindre rôle dans ses déterminations, que sa personnalité, toute grande qu’elle fût, s’effaça en toutes choses, et l’on comprendra qu’il a pu triompher d’un général plus renommé que lui, et justement renommé, je le dis sans crainte d’être démenti, même par le duc de Wellington.

Nous voilà revenus au moment où furent écrites les différentes lettres que j’ai citées, par lesquelles lord Wellington défendait le pillage, et prenait des mesures pour punir les coupables. C’est alors qu’il écrivait à tous les chefs sous lesquels servaient ces pillards espa-