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DÉPÊCHES DU DUC DE WELLINGTON.

actes sur les habitans paisibles de la France serait une conduite odieuse et inhumaine, et ce serait en même temps porter gravement atteinte aux intérêts des armées alliées, et provoquer des représailles semblables à celles qui avaient eu lieu en Espagne. En conséquence, il établissait un commissariat pour les vivres et provisions, et il obligeait toute l’armée à se soumettre aux ordres donnés à ce sujet. — Il y a, dans ce seul volume de correspondance, plus de cent lettres sur cette matière, et il est difficile, à moins de les lire toutes, de se faire une idée des soins minutieux donnés par le général en chef à ce qu’il regardait comme une des mesures les plus importantes de son administration.

Mais ce sentiment de la propriété va si loin dans l’esprit de lord Wellington, qu’il le porte quelquefois à méconnaître le droit de la guerre, et à en refuser l’exercice aux autres. C’est ainsi que, par une lettre qu’il écrit de Véra au général d’Espagne qui assiégeait Pampelune, il lui commande de déclarer aux assiégés qui avaient pratiqué des mines dans le fort pour le faire sauter, qu’une telle tentative serait considérée par lui comme un désir de nuire à la nation espagnole et d’attenter à sa propriété ; en conséquence, si pareil fait avait lieu, le général assiégeant avait ordre de ne donner ni capitulation, ni grace quelconque, et de faire passer par les armes le gouverneur, tous les officiers et sous-officiers et un dixième des soldats !

Heureusement, de pareils ordres de la part de lord Wellington sont rares, et de tous ceux qu’il donne chaque jour aux généraux espagnols, je n’en retrouve pas un seul qui ait ce caractère de dureté et de passion. En général, lord Wellington laissait peu à faire aux officiers sous ses ordres, et sa vigilance les suit partout. On n’élève pas une palissade, on ne construit pas une redoute, qu’il n’assiste lui-même à l’opération, ou qu’il ne vienne la rectifier ; et quand il est occupé ailleurs, il la juge de loin de son œil exercé, comme dans ce fragment de lettre au général Giron, au sujet d’un ouvrage de fortification qu’il avait fait faire sur la hauteur en arrière d’Échalar :

« Si vous finissez la redoute sur le plan que vous avez commencé, il faudrait faire une opération majeure pour regagner le Puerto d’Échalar, en cas que nous fussions jamais dans le cas de l’abandonner pour le moment, afin de manœuvrer sur la droite ou sur la gauche, parce que le flanc droit de la redoute et son derrière regardent exactement les deux points d’où il faut venir pour attaquer le Puerto, si l’ennemi l’avait en sa possession. Ce que je vous conseille donc, c’est de faire les deux flancs de votre ouvrage ou d’abattis ou de palissa-