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DÉPÊCHES DU DUC DE WELLINGTON.

« Dans les opérations militaires, il y a des choses impossibles. L’une de ces choses est de faire marcher des troupes dans ce pays après de longues pluies. Je sais que je perdrais plus de soldats que je ne pourrais en remplacer, en faisant camper les troupes après un si mauvais temps, et je serais coupable de négligence et d’abandon de mes gens, si je commençais une opération après les mauvais temps que nous avons ici.

« En ce qui est du théâtre des opérations de l’armée, cela regarde le gouvernement et non pas moi. En jetant trente mille hommes dans la Péninsule, le gouvernement britannique a donné de l’occupation, depuis quatre ans, à deux cent mille Français au moins, et des meilleures troupes de Napoléon. Il est ridicule de supposer que les Espagnols et les Portugais auraient résisté un moment, si les forces britanniques avaient été retirées. L’armée employée présentement contre nous peut être de cent mille hommes, plus ou moins, en y comprenant les garnisons, et je vois, dans les journaux français, que des ordres sont donnés pour la formation, à Bordeaux, d’une armée de cent mille hommes. Est-il un homme assez insensé pour supposer que le tiers de ce monde serait employé à combattre les Espagnols et les Portugais, si nous nous retirions ? Il serait alors facile à Bonaparte de conquérir toute la Péninsule.

« Une autre observation que j’ai à vous soumettre, est que, dans une guerre où chaque jour amène des crises dont les résultats intéressent le monde pour des siècles, le changement de lieu des opérations de l’armée anglaise mettrait cette armée hors de combat pour quatre mois au moins, surtout si son nouveau terrain est la Hollande.

« Votre seigneurie remarque judicieusement que notre but à tous est de forcer Napoléon à la paix. Je commande à présent sur la frontière la plus vulnérable de la France, peut-être sur la seule qui soit vulnérable (1813). Si je puis mettre vingt mille Espagnols en campagne, ce que je pourrais si j’avais de l’argent et des approvisionnemens pour la flotte, j’aurais la seule forteresse qui soit sur cette frontière, si on peut la nommer forteresse, et cela dans un court espace de temps. Si je pouvais mettre quarante mille Espagnols en campagne, j’aurais probablement mes postes sur la Garonne. Qui soutiendra que Napoléon voudrait moins voir une armée dans une telle position que trente à quarante mille Anglais occupés au siège d’une forteresse en Hollande ? Si ce n’étaient les ressources d’hommes et d’argent dont je suis privé, et la réputation que je perdrais à tenter, en cet état, de telles choses, je procurerais la paix en dix fois