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DÉPÊCHES DU DUC DE WELLINGTON.

positif, qui veut arriver au but par la force, par l’organisation, par la discipline de l’armée qu’il commande, et non par l’enthousiasme et l’enivrement. Les raisons qu’il donne pour arrêter le pillage, paraissent appartenir à cet ordre d’idées. Il ne faut pas piller, si l’on veut que le pays puisse fournir les contributions sur lesquelles on a compté. Il s’agit seulement d’économiser ses ressources, de ménager la proie qu’on a saisie afin de la rendre plus profitable ; mais sous ce calcul, dans ce langage approprié aux idées de ceux auxquels il s’adresse, un seul mot qui semble échappé involontairement à l’auteur de cette lettre, décèle l’homme intègre, l’ame élevée, le cœur juste et droit, C’est ce mot scélérat qui vient révéler la morale qu’on dirait cachée à dessein dans cette lettre d’affaires. À travers la réserve qui enveloppe sa pensée intime, on sent que lord Wellington se donnait à lui-même d’autres raisons de sa sévérité que celle qu’il en donne au général Freyre et au général Morillo, et dès-lors il est impossible de ne pas honorer un ennemi qui parle et qui agit ainsi.

Le général Freyre, auquel le duc de Wellington adressait cette lettre, s’était déjà séparé de l’armée anglaise, en Portugal, pour cette question d’équipement et des vivres. Les troupes alliées, sous les ordres de lord Wellington, ne consentirent à marcher qu’à la condition d’être entièrement défrayées par le gouvernement anglais, et il semblait que les Portugais et les Espagnols crussent ne faire la guerre que pour l’avantage de la Grande-Bretagne. Dans ces dispositions d’esprit des armées alliées et des généraux, que leur haine pour les Anglais rendait encore plus difficiles et plus exigeans, le caractère du duc de Wellington était merveilleusement approprié à la situation où l’avait placé le gouvernement anglais. Jusqu’à l’époque où il fut envoyé en Espagne, la guerre s’était faite sans ensemble et sans méthode. Le secours accordé par l’Angleterre à l’Espagne et au Portugal, sur la motion faite dans le parlement par Sheridan, ne fut d’abord qu’un subside. On envoya des munitions, des armes et des habits. Quelques officiers furent dépêchés dans les deux pays pour reconnaître l’état des choses. Sir Thomas Dyer, le major Roche et le capitaine Patrick secondèrent dans les Asturies le lieutenant-colonel Doyle, et les capitaines Carroll et Kennedy séjournèrent dans la Galice, les colonels Brown et Traunt dans les provinces septentrionales du Portugal ; mais le gouvernement anglais espérait encore que les pays insurgés triompheraient de la France sans le secours des troupes anglaises. C’est dans ce but qu’un large traité de subsides en approvisionnemens de tous genres fut souscrit par l’Angleterre.