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pas croire que la France, toute riche qu’elle est, puisse soutenir votre armée si le pays est pillé. Pour ceux qui désirent vivre des contributions du pays, ce qui est, je crois, votre objet dans la campagne prochaine, il paraît essentiel que les troupes ne soient pas autorisées à piller. Mais, malgré tout cela, on croirait que je suis l’ennemi, au lieu d’être le meilleur ami de l’armée, en prenant des mesures décisives pour empêcher le pillage, et que ces mesures la déshonorent !

« Je pourrais dire quelque chose aussi en justification de ce que j’ai fait, qui regarderait la politique ; mais j’ai assez dit, et je vous répète qu’il m’est absolument indifférent que je commande une armée grande ou petite ; mais, qu’elle soit grande ou petite, il faut qu’elle m’obéisse et surtout qu’elle ne pille pas.

« En vérité, je ne peux pas m’empêcher de me moquer des plaintes du général Morillo. Le jour que je lui ordonnai de se mettre sous les armes, il entreprit de lui-même, sans mes ordres, ni ceux d’aucun autre, une reconnaissance sur l’ennemi, les routes étant en tel état qu’il ne pouvait faire marcher son infanterie ; et le résultat a été que la cavalerie anglaise, qui l’accompagnait et faisait son avant-garde, a beaucoup souffert. Puis, il vient me dire qu’il n’a pas de souliers ! Comment a-t-il pu faire cette reconnaissance sans souliers ? Et puis, la malheureuse troupe, sans souliers et sans vivres pour se tenir sous les armes, comment le général Morillo a-t-il pu la faire marcher ?

« Demandez au général Alava et au général O’Lalor combien de fois j’ai mis les troupes anglaises et portugaises sous les armes en Espagne, pour sauver les villes et campagnes espagnoles, et vous verrez que je suis au moins impartial. »

« Wellington. »


La seule manière que le duc de Wellington avait trouvée pour empêcher les Espagnols et les Portugais de piller, c’était de les faire tenir des journées entières sous les armes, et de faire pendre les délinquans. Quant aux généraux, on voit qu’il ne se refusait pas à leur donner quelques raisons de sa conduite, mais cette condescendance n’allait pas jusqu’à des explications complètes. « Je pourrais bien dire quelque chose qui regarderait la politique, » ajoute-t-il après avoir montré les inconvéniens matériels des désordres de l’armée, mais ce quelque chose, il ne le dit pas ; car, encore une fois, le duc de Wellington dédaignait de faire la guerre autrement qu’en homme