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DÉPÊCHES DU DUC DE WELLINGTON.

est datée de Saint-Jean-de-Luz, le 24 décembre, à onze heures du soir. La voici : « Mon cher général, j’ai reçu votre lettre aujourd’hui, et j’avais déjà donné ordre le 22 de rappeler celui que j’avais donné le 18 à la division du général Morillo, de se tenir sous les armes. La question entre ces messieurs (les soldats de Morillo) et moi est s’ils pilleront ou non les paysans français. J’ai écrit, et j’ai fait écrire plusieurs fois au général Morillo pour lui marquer ma désapprobation sur ce sujet, mais en vain et enfin j’ai été obligé de prendre des mesures pour m’assurer que les troupes sous ses ordres ne feraient plus de dégâts dans le pays. Je suis fâché que ces mesures soient de nature à déplaire à ces messieurs ; mais je vous avoue que la conduite qui les a rendues nécessaires est bien plus déshonorante que les mesures qui en sont la conséquence.

« Je vous prie de croire que je ne peux avoir aucun sentiment sur votre lettre que celui de la reconnaissance, et, aussitôt que j’aurai lu toutes celles incluses dans votre lettre officielle, je vous enverrai réponse. En attendant, je vous dis que je suis, et de toute ma vie j’ai été trop accoutumé aux libelles pour ne pas les mépriser ; et, si je ne les avais pas méprisés, non seulement je ne serais pas où je suis, mais le Portugal au moins, et peut-être l’Espagne, seraient sous la domination française. Je ne crois pas que l’union des deux nations dépende des libellistes ; mais si elle en dépend, pour moi, je déclare que je ne désire pas un commandement, ni l’union des nations, si l’un ou l’autre doit être fondé sur le pillage. J’ai perdu vingt mille hommes dans cette campagne, et ce n’est pas pour que le général Morillo, ni qui que ce soit, puisse venir piller les paysans français ; et, où je commande, je déclare hautement que je ne le permettrai pas. Si on veut piller, qu’on nomme un autre à commander, parce que, moi, je déclare que, si on est sous mes ordres, il ne faut pas piller.

« Vous avez de grandes armées en Espagne, et, si on veut piller les paysans français, on n’a qu’à m’ôter le commandement et entrer en France. Je couvrirai l’Espagne contre les malheurs qui en seront le résultat, c’est-à-dire que vos armées, quelque grandes qu’elles puissent être, ne pourront rester en France pendant quinze jours.

« Vous savez bien que vous n’avez ni argent, ni magasins, ni rien de ce qu’il vous faut pour tenir une armée en campagne, et que le pays où vous avez passé la campagne dernière est incapable de vous soutenir l’année prochaine.

« Si j’étais assez scélérat pour permettre le pillage, vous ne pouvez