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REVUE. — CHRONIQUE.

Essai sur l’histoire du Portugal, par MM. Chaumeil de Stella et Aug. de Santeul[1]. — Les états secondaires de l’Europe méridionale, au moyen-âge, présentent cela de remarquable, que leur histoire égale, et souvent même surpasse en intérêt, celle des états du premier ordre. La civilisation et la puissance sont loin de se mesurer à l’étendue territoriale, ou à la population ; ainsi Venise, ainsi Florence, et dans un cercle moins étroit mais bien restreint encore, le Portugal. Rien n’a manqué, en effet, à la gloire comme aux malheurs de ce petit royaume : luttes opiniâtres contre les Arabes pour la défense de la foi, résistance inébranlable aux prétentions du saint-siége pour le maintien de l’indépendance nationale, expéditions aventureuses, révolutions sanglantes. Drame, épopée, roman, tout se retrouve puissant et animé dans l’histoire du Portugal, avec Inès de Castro, Vasco de Gama, Albuquerque et dom Sébastien. Mais jusqu’ici, à part Vertot et La Clède, on s’était peu occupé en France de cette histoire si digne d’être étudiée. La Clède a des parties estimables sans doute, mais son travail est loin de répondre à l’heureux choix du sujet. Quant à Vertot, on se rappelle toujours, à propos de tous ses livres, le mot : Mon siége est fait. C’était donc une heureuse pensée que d’essayer par un nouveau travail de faire oublier ces deux écrivains. MM. de Stella et de Santeul l’ont tenté dans ce livre, et leur histoire, continuée jusqu’à la mort de don Pèdre, en 1834, a sur tous les travaux antérieurs l’avantage d’embrasser la monarchie portugaise dans son ensemble complet, et de nous offrir, à nous lecteurs français, un attrait de plus, en faisant passer rapidement sous nos yeux les guerres de l’empire. Cette histoire, d’ailleurs, se recommande par la rapidité du récit et la netteté ; mais elle porte le cachet de la précipitation, et ses diverses parties sont loin d’être en rapport. Ainsi le premier volume se termine à l’année 1707, et comprend en moins de quatre cents pages tout le développement de la monarchie portugaise, tandis que la moitié du second volume est consacrée tout entière à don Miguel. Il me semble aussi qu’on aurait pu remplacer avantageusement, par une exacte indication des documens à consulter, les fac-simile des lettres de la régente Isabelle Marie, de don Pedro, et même de la majesté actuellement régnante. Qu’importe, en effet, que doña Maria ait une écriture plus ou moins lisible ? La postérité ne s’inquiète guère de savoir comment les rois taillent leur plume. Elle a des comptes bien plus sérieux à demander à ceux qui ont passé par le pouvoir. J’aurais voulu connaître aussi à quelles sources ont puisé les auteurs. Carvallo, Soares de Sylva, Osorius, Correa de Serra, tous ces écrivains, enfin, qui forment le corps des historiens portugais, ne sont pas même nommés dans le cours des deux volumes. C’est là une impardonnable et toute volontaire omission.


— Nos lecteurs ont présent à la mémoire, sans nul doute, le remarquable article de M. Edgar Quinet sur la Vie de Jésus, du docteur Strauss. C’était en France le premier travail de quelque étendue sur un ouvrage qui a suscité

  1. vol. in-8o, 1839 ; chez Pougin, 49, quai des Augustins.