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SALERNE ET PŒSTUM.

plus beaux édifices modernes du royaume de Naples, les immenses couvens groupés sur la colline, au-dessous du château, méritent aussi d’être visités.

Les temples de Pœstum, dont les riches dépouilles ont servi à décorer les monumens de Salerne, sont situés à l’extrémité de l’immense plage qui s’étend de cette dernière ville au petit port de l’Agropoli. Du haut du château de Robert Guiscard, avec une bonne lunette, on pourrait compter leurs colonnes et cependant on en est séparé par une distance de plus de vingt milles en ligne directe, et de vingt-quatre milles par le chemin de la Scaffa. On fait ces vingt quatre milles avec une rapidité merveilleuse, et cela, sans changer de chevaux de poste, sans relayer. Mais ces petits chevaux à demi-sauvages, qu’on élève dans la maremme, au bord de la mer, et dont on pourrait compter les os, ont des jarrets de fer. En cinq heures, et tout d’un trait, ils franchissent la distance qui sépare Salerne des temples, sans paraître échauffés le moins du monde. Il est vrai que la route est entièrement plane, et aussi bien entretenue que la plus belle route anglaise.

En quittant Salerne, on laisse sur la droite un petit fortin ou torrione, bâti sur un rocher entre la route et la mer, et l’on s’engage au milieu d’une vaste plaine coupée de haies, et semée çà et là de quelques bouquets de gros chênes. Cette plaine est admirablement cultivée. Elle est arrosée par plusieurs ruisseaux que l’on traverse sur des ponts nouvellement construits, et dont la voûte est toujours fort élevée. Près de chacun de ces ponts modernes on aperçoit presque toujours l’arc à demi ruiné du pont antique. C’est à ces ruisseaux qu’il faut surtout attribuer la richesse de la plaine que l’on traverse, car la glaise légère et sablonneuse qui en compose le sol a besoin d’être arrosée. Cette terre légère est cependant d’une grande fertilité. Sur cinq ans, elle n’en reste qu’un en jachère, et produit d’ordinaire quatre récoltes de grains : deux années de froment, une d’orge, une d’avoine. L’année de jachère est loin encore d’être improductive. Les éteules se couvrent d’une forêt d’asphodèle et de plantain lancéolé qui leur donnent l’apparence de nos prairies artificielles, et qui nourrissent de nombreux troupeaux. C’est à ce pays qu’on peut surtout appliquer le vers de Virgile :

Quaeque suo viridi semper se gramine vestit. »

Aux environs de Salerne, la route traverse plusieurs petits villages. Anceltara, Saint-Léonard, Vicenza, Tavernolo. Les environs de ces villages sont plantés d’ormes et de peupliers de la Caroline. Au-delà de ces plantations s’étendent de grandes prairies, et, par-delà ces prairies et les sables dorés de la plage, étincelle la ligne azurée de la mer. Ce pays ressemble d’une manière frappante à la Normandie, entre Avranches et le mont Saint-Michel.

Au-delà de Battipaglia, le sol, toujours aussi fertile, n’est plus cultivé que par places, et l’on traverse d’immenses landes couvertes de chardons blancs et d’artichauts sauvages. De grands troupeaux de chevaux et de buffles pais-