Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 19.djvu/635

Cette page a été validée par deux contributeurs.
631
LE SCHAH-NAMEH.

conté avec naïveté l’agitation que lui causait ce noble désir, et le bonheur qu’il éprouva dès qu’il se sentit en mesure de le réaliser. « Je désirais obtenir ce livre (celui de Danischwer) pour le traduire dans ma langue ; je le demandais à un grand nombre d’hommes, craignant que, si ma vie n’était pas longue, je ne fusse obligé de le laisser à un autre… Ainsi se passa quelque temps pendant lequel je ne fis part à personne de mon plan, car je ne vis personne qui fût digne de me servir de confident dans cette entreprise. » Bientôt il obtint le trésor qu’il convoitait. « J’avais, ajoute-t-il, dans ma ville, un ami qui m’était dévoué ; tu aurais dit qu’il était dans la même peau que moi. Il me dit : « C’est un beau plan, et ton pied te conduira au bonheur. Je t’apporterai ce livre pehlwi ; ne t’endors pas, tu as de la jeunesse et le don de la parole ; tu sais faire un récit héroïque. Raconte donc de nouveau le Livre des Rois, et cherche par lui de la gloire auprès des grands. » Puis il apporta devant moi ce livre, et ma tristesse se convertit en joie. »

Appelé à la cour de Gaznin, on ne sait pas trop bien à quelle occasion, notre poète eut d’abord quelque peine à triompher de la jalousie de ses rivaux et à fixer l’attention du sultan. Enfin, un quatrain improvisé par ordre sur un favori de Mahmoud, fit pour l’Homère persan ce que n’avait point fait la portion de son grand ouvrage qu’il avait déjà exécutée ; dès ce moment, bien en cour, le poète de Thous reçut, de la bouche même du souverain, le surnom de Firdousi, Paradisiaque, parce qu’il avait converti l’assemblée en paradis ; bientôt après, il fut chargé officiellement par Mahmoud d’accomplir la grande œuvre nationale du Schah-Nameh. Le prince entoura le poète de tous les secours et de toutes les facilités qu’il pouvait désirer ; il lui fit préparer un appartement attenant au palais et qui avait une porte de communication avec le jardin privé du roi. Les murs de son appartement furent couverts de peintures représentant des armes de toute espèce, des chevaux, des éléphans, des dromadaires, des tigres, les portraits des rois et des héros de l’Iran et du Touran. Mahmoud pourvut à ce que personne ne pût l’interrompre dans son travail, en défendant la porte à tout le monde, à l’exception de son ami Ayaz et d’un esclave chargé du service domestique.

Les diverses portions dont se compose le poème de Firdousi furent récitées au roi à mesure qu’elles étaient achevées par l’auteur ; et, à en juger par une vignette curieuse d’un des plus anciens ma-