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REVUE DES DEUX MONDES.

vais me retirer, et dépouiller ce dangereux travestissement pour ne jamais le reprendre.

ASTOLPHE.

Tu as raison, mon Gabriel. Va, je te rejoindrai bientôt.

GABRIEL.

Je ne m’en irai pourtant pas sans que tu me promettes de renoncer à cette folle querelle, et de faire la paix avec Antonio. J’ai chargé la Faustina de le détromper. Tu vois qu’il ne vient pas au rendez-vous, et qu’il se tient pour satisfait.

ASTOLPHE.

Eh bien ! j’en suis fâché ; j’éprouvais le besoin de me battre avec lui ! Il m’a enlevé la Faustina, je n’en ai pas regret ; mais il l’a fait pour m’humilier, et tout prétexte m’eût été bon pour le châtier.

GABRIEL.

Celui-là serait ridicule. Et qui sait ? de méchans esprits pourraient y trouver matière à d’odieuses interprétations.

ASTOLPHE.

C’est vrai ! Périsse mon ressentiment, périsse mon honneur et ma bravoure, plutôt que cette fleur d’innocence qui revêt ton nom… Je te promets de tourner l’affaire en plaisanterie.

GABRIEL.

Tu m’en donnes ta parole ?

ASTOLPHE.

Je te le jure ! (Ils se serrent la main.)

GABRIEL.

Les voici qui viennent en riant aux éclats. Je m’esquive. (À part.) Il est bien temps, mon Dieu ! Je suis plus troublé, plus éperdu que lui.

(Il s’enveloppe dans sa mantille, Astolphe l’aide à s’arranger.)
ASTOLPHE, le serrant dans ses bras.

Ah ! c’est pourtant dommage que tu sois un garçon ! Allons, va-t-en. Tu trouveras ta voiture au bas du perron, par ici !…

(Gabriel disparaît sous les arbres, Astolphe le suit des yeux, et reste absorbé quelques instans. Au bruit des rires d’Antonio et de Faustina, il passe la main sur son front, comme au sortir d’un rêve.)

Scène VIII.


ANTONIO, FAUSTINA, MENRIQUE, GROUPES DE JEUNES GENS ET DE COURTISANES.
ANTONIO.

Ah ! la bonne histoire. J’ai été dupé au-delà de la permission ; mais ce qui me console, c’est que je ne suis pas le seul.