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REVUE. — CHRONIQUE.

révolutions municipales de la Lombardie sous les conquérans barbares, a donc heureusement dirigé ses recherches, et bien que restreintes à l’Italie supérieure, ces études, si elles n’avaient été enchaînées par un système absolu, prêteraient de nouvelles lumières à la science.

Voici en quelques lignes la théorie de M. Leo. Il affirme, contrairement à M. de Savigny, que les institutions romaines, le municipe, ne laissent aucune trace dans les villes de la Lombardie après la destruction de Milan par les Goths, et il croit trouver la cause de ce fait dans l’impitoyable rigueur des ravages, le refoulement des grandes familles vers l’Italie inférieure, la domination absolue des Lombards, et les persécutions individuelles. La conquête brise d’un seul coup tout le passé des vaincus. Elle impose aux dernières classes l’esclavage ; à la classe moyenne, une liberté dure et payée de la redevance féodale ; à tous, la dépendance immédiate des chefs barbares. Les Francs ne changent rien à cette triste condition ; ils constituent seulement sur des bases plus vastes la féodalité. Des rapports plus directs, plus voisins, s’établissent alors entre le seigneur et les vassaux, serfs et censiers. L’église, dont la puissance et la richesse se sont rapidement accrues après la destruction de l’arianisme, l’église demande et obtient des garanties. De là l’immunité ecclésiastique. Sous la protection de l’avoué, l’évêque, l’homme de l’autel, s’affranchit du seigneur ; le serf, l’homme du travail et de la terre, s’abrite près de l’évêque. De là aussi, dans le système de M. Leo, l’origine, éloignée sans doute, mais déjà bien distincte, de la commune lombarde ; car, selon lui, le serf demandera bientôt à l’église même, et obtiendra d’elle, par l’argent, les armes, ou la transaction libre, ce qu’elle avait d’abord, pour elle seule, obtenu de la noblesse conquérante. Ces premières et impuissantes garanties sont bien loin toutefois de constituer pour l’homme ou l’état le droit et la liberté. L’histoire de la Lombardie ne présente, pendant la domination des Francs, qu’une suite non interrompue de crimes et de désordres. Mais ces malheurs sans fin ne rendent que plus urgent encore le besoin d’un contrat fort et durable entre celui qui souffre et celui qui opprime. Les villes puisent chaque jour dans leur misère même un nouvel instinct d’affranchissement ; bientôt, grace à l’intervention de l’empereur Othon, et à quelques années de paix, toutes les forces latentes du droit communal se développent et grandissent, et les cités lombardes se trouvent rapidement élevées à cette haute puissance contre laquelle viendront échouer plus tard les armées impériales.

Dans cette partie de son livre, M. Leo tend à prouver que l’arrivée de l’empereur Othon ouvrit une ère nouvelle aux communes de l’Italie supérieure, et que l’affranchissement municipal ne fut, en quelque sorte, que la rigoureuse extension de l’immunité ecclésiastique. M. Leo invoque, à l’appui de ses assertions, l’histoire détaillée de Milan, la plus importante des villes lombardes ; il essaie de montrer ses archevêques toujours mêlés aux luttes populaires et rangés du côté du peuple, et il affirme que les intérêts de l’église se liaient d’une manière intime aux intérêts des communes, et que l’accroissement de sa puissance temporelle a toujours servi au développement de leurs libertés.

Lorsque arriva enfin le mouvement d’indépendance absolue, les bons hommes, les échevins, boni homines, scabini, qui rendaient primitivement la justice au nom et sous la pleine autorité du seigneur ou de l’avoué ecclé-