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ensuite à assurer le pouvoir du sultan, à régler d’une manière stable ses rapports avec son vassal. Sans doute, la présence de Méhémet-Ali à Constantinople eût avancé les choses ; mais elle ferait ombrage à l’Angleterre, et la France fera bien peut-être de faire à son tour cette concession à son alliée.

Les journaux anglais essaient de détourner Méhémet-Ali du voyage de Constantinople, en lui parlant des dangers que sa vie pourrait y courir. Le danger ne serait pas pour Méhémet-Ali, mais pour le sultan, qui pourrait ainsi attirer l’armée russe dans son empire ; car il ne tiendrait qu’au gouvernement russe de déclarer qu’Abdul-Medjid n’est pas libre dans sa capitale, et à le regarder comme privé de son libre arbitre, ainsi que fit la France à l’égard de Ferdinand VII, sous la restauration. Après avoir éloigné les Anglais d’Alexandrie, la France a donc maintenant à éloigner les Russes de Constantinople ; et, s’il est temps encore, si des évènemens que nous n’avons pu prévoir ni connaître n’ont pas eu lieu, ce ne sera pas peut-être la partie la plus difficile de la tâche du gouvernement français. Le ministère cache avec soin les résolutions qu’il a prises. Nous désirons, peut-être sans l’espérer, que ce mystère ne soit pas de mauvais augure ; mais si l’on n’avait rien décidé, on n’aurait rien à cacher, et on semble du moins vouloir agir promptement, puisqu’on redoute d’être prévenu et surpris. Dans une cause où elle ne peut avoir en vue que la consolidation de la paix, la France ne doit pas craindre d’agir avec décision. Si tel est le but du cabinet, il ne trouvera personne pour le désapprouver en France, et la fermeté qu’il montrera, s’il en montre toutefois, aura une bonne influence sur les affaires intérieures du pays.

L’amiral Boudin vient de rentrer à Brest, sur la frégate la Néréide. Le retour de la Néréide a déjà fait connaître les conventions additionnelles conclues entre l’amiral et les plénipotentiaires mexicains. Elles sont de nature à satisfaire les intérêts nationaux de la France, et la publication de ce document mettra fin aux récriminations dont l’amiral Baudin et le ministère qui l’avait chargé de l’expédition du Mexique, ont été l’objet dans la dernière session. Entre autres reproches qui avaient été faits à l’amiral Baudin, on lui avait adressé celui d’avoir abandonné toute réclamation au sujet de nos nationaux qui avaient souffert des violences exercées sur eux depuis le commencement des hostilités, et d’avoir renoncé à exiger la destitution des fonctionnaires prévaricateurs dont les Français avaient à se plaindre. Il paraît que les conventions additionnelles portent sur différens points. Elles ont pour objet de déterminer la portion de l’artillerie du fort de Saint-Jean-d’Ulloa qui reste acquise à la France, de laisser au choix du roi la nomination de la tierce-puissance devant laquelle sera déféré le jugement des indemnités dues aux Français qui ont souffert de la loi d’expulsion, de régler le choix des commissions mixtes appelées à statuer sur le chiffre des indemnités ; enfin, de satisfaire la France par la destitution de certains fonctionnaires civils et militaires. Les instructions envoyées de Paris à l’amiral Baudin, le 23 avril 1838, lui fixaient le chiffre des indemnités, en lui laissant la latitude de donner des délais de paiement, toutefois après avoir pris l’avis des négocians français à la Véra-Cruz. Il était en outre recommandé à l’amiral d’exiger la punition des fonctionnaires dont le baron Deffaudis avait réclamé la destitution. L’un d’eux, le juge Tamayo, étant inamovible, on se bornait à demander son déplacement ; mais le plénipotentiaire devait exiger que sa conduite fût l’objet d’un blâme sévère et officiel. Enfin, les instructions portaient sur la stipulation, en faveur des sujets