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DES CLASSES SOUFFRANTES.

judiciaire. Le fonds affecté dans chaque localité à ce service, provient d’une taxe spéciale dont le nom accuse le triste emploi : elle se prélève sur les propriétés foncières, les loyers et les établissemens industriels. Tout homme, si peu qu’il possède, est classé parmi les contribuables. Plusieurs cantons ne s’arment pas rigoureusement de ce principe ; mais, dans les pays où personne n’est exempté, il arrive que de pauvres petits propriétaires paient la taxe d’une main et tendent l’autre pour recevoir l’assistance. Plusieurs amendemens de détail, et surtout la simplification des formes judiciaires, ont beaucoup allégé le fardeau. Le montant de la taxe, qui en 1834 s’était élevé, pour une population de 13,897,000 habitans, à 6,317,254 liv. sterling (près de 158 millions de francs), n’était plus en 1836 que de 4,717,629 liv. st., ce qui constitue un bénéfice de 40 millions de francs ; mais beaucoup de germes vicieux que la réforme n’a pu extirper fermentent sans cesse, et sous des influences défavorables pourraient prendre un subit et dangereux accroissement.

Le régime adopté en Suède diffère peu en principe du système anglais, si ce n’est que le pauvre ne peut poursuivre ses droits prétendus avec autant de rigueur. Une ordonnance du 19 juin 1833 établit, sous la qualification de non-protégés, une véritable caste composée des individus sans propriétés et sans industrie, et qui tombent par ce seul fait à la discrétion de la police. — La loi qui régit les pauvres en Danemark date de 1803 : elle considère le secours comme une charge paroissiale ; mais elle n’accorde l’allocation demandée que comme une avance dont le remboursement est exigible. — Dans la Russie, les paysans à l’état de servage, ont un recours plus ou moins efficace dans la commisération du propriétaire. Les établissemens spéciaux ne sont ouverts à l’infortune que dans les domaines de la couronne. Les indigens qui n’appartiennent pas à la classe des serfs sont envoyés en Sibérie, en qualité de colons libres. Depuis l’affranchissement de ses paysans, la Pologne a senti le besoin d’un système de secours, mais n’a pas eu les moyens de le réaliser. La législation de l’Allemagne, sauf de légères nuances qui distinguent surtout les pays protestans des états catholiques, a pour base le droit du pauvre à l’assistance, l’obligation qui lui est imposée de travailler selon ses forces, le principe qui laisse à chaque commune la charge de ses pauvres, et qui combine l’administration des secours avec les institutions particulières à la localité. La conséquence de ce régime est d’attacher l’indigent au domicile de secours qu’il ne peut quitter sans s’exposer à être rigoureusement poursuivi comme vagabond. En Bavière et dans quelques autres contrées allemandes, les personnes dépourvues de tout capital ne peuvent contracter mariage sans y être autorisées par l’administration. — Quand le royaume des Pays-Bas fut formé par la réunion de la Belgique et de la Hollande, une loi fondamentale rangea le soulagement des malheureux au premier rang des intérêts publics, et il dut être rendu chaque année à la législature un compte détaillé de toutes les branches de ce service. Un nouvel arrêté du 2 juillet 1828 spécifia le droit du pauvre, mais sans autoriser celui-ci à le faire valoir judiciairement : le domicile de secours s’acquiert par la naissance, ou par une résidence d’au moins quatre années.