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DES CLASSES SOUFFRANTES.

France, 1 indigent sur 7 personnes, d’après Schmidlin et Schoën ; Sur 25, suivant M. de Villeneuve-Bargemont ; sur 34, d’après M. Balbi. Ce dernier dit 1 sur 63 pour le Wurtenmberg, et Schmidlin 1 sur 22. La proportion généralement admise pour la Suède, par ces écrivains, est de 1 sur 121, à l’exception de M. de Villeneuve qui compte 1 sur 25. Mais deux hauts fonctionnaires suédois, intervenant dans le débat, donnent des nombres fort différens, sans toutefois s’entendre entre eux : l’un adopte 1 sur 42, et l’autre 1 sur 5. Pour l’Europe, en général, la moyenne fournie varie entre 1 sur 10 et 1 sur 20. Nous ne savons pas, enfin, si on pourrait citer une seule localité sur laquelle les statisticiens tombassent d’accord.

Il serait fâcheux, toutefois, que le ridicule frappât mortellement les recherches de ce genre ; la lueur qu’elles projettent, si douteuse qu’elle soit, peut être utilisée. M. de Gérando s’est placé dans un convenable milieu, en présentant des chiffres comme des indications approximatives, et non comme des faits éprouvés. D’ailleurs, la source à laquelle il a préférablement puisé, a reçu une consécration solennelle ; c’est l’enquête dirigée par voie diplomatique sur tous les points du globe, au nom du parlement d’Angleterre, et qui a alimenté la grande discussion entamée en 1834, relativement au régime des pauvres. Ce qui fait le prix de ces derniers documens, c’est qu’ils répondent, autant que possible, aux questions que doit poser l’administrateur éclairé, comme la répartition des indigens, suivant les localités urbaines ou rurales ; la classification des assistés, d’après les causes qui assurent leurs droits ; le montant des taxes et le système de secours. La multiplicité des détails nous interdit les citations ; nous nous contenterons de mettre en parallèle les deux grandes nations qui dominent le mouvement européen.

Le dernier recensement fait en Angleterre, date de 1815. À cette époque, 1 individu sur 13 était inscrit sur les registres de paroisse ; mais la répartition, fort capricieuse, faisait peser sur certaines provinces des charges intolérables. L’Irlande, n’étant pas alors soumise au régime de la taxe légale, n’a pu sonder rigoureusement ses plaies : on sait trop qu’elles sont douloureuses et profondément ulcérées. Un rapport, présenté récemment au parlement britannique, permet de compter pour deux millions, c’est-à-dire pour plus du quart de la population entière, ceux qui ont recours à la charité publique. En 1833, l’Irlande exténuée a envoyé dans ses infirmeries trois fois plus de malades que la France toute entière dans ses riches hôpitaux.

En 1789, le duc de La Rochefoucauld-Liancourt déclarait, à l’assemblée nationale, qu’un dixième de la population française végétait dans le dénuement. Si ce n’est pas là une de ces exagérations de sensibilité, que la mode autorisait alors, il faut reconnaître que les choses se sont beaucoup améliorées depuis, et saluer notre révolution comme un bienfait. Un rapport ministériel, publié en 1837, nous apprend que 589,302 personnes ont été admises, en 1833, dans les hôpitaux et hospices, et que 695,932 ont été secourues à domicile. Or, il faut remarquer que beaucoup de malheureux, après avoir fait séjour dans les maisons de traitement, ont pris part aux distributions des bu-