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GABRIEL.

ASTOLPHE.

Ah ! ah ! tu rêves aux anges, toi ? Eh bien ! ne t’éveille pas, car tu ne trouveras dans la vie réelle que des femmes ! Mon pauvre Gabriel, continue, si tu peux, à ne point aimer. Quelle femme serait digne de toi ? Il me semble que le jour où tu aimeras, je serai triste, je serai jaloux.

GABRIEL.

Et mais, ne devrais-je pas être jaloux des femmes après lesquelles tu cours ?

ASTOLPHE.

Oh ! pour cela, tu aurais grand tort ! il n’y a pas de quoi ! On frappe en bas !… Vite à ton rôle. (Il écoute les voix qui se font entendre sur l’escalier.) — Vive Dieu ! c’est Antonio avec la Faustina. Ils viennent nous chercher. Mets vite ton masque !… ton manteau !… un manteau de satin rose doublé de cygne ? c’est charmant !… Allons, cher Gabriel ! à présent que je ne vois plus ton visage ni tes bras, je me rappelle que tu es mon camarade… Viens !… égaie-toi un peu, allons ! vive la joie !

(Ils sortent.)

Scène VI.


Chez Ludovic. — Un boudoir à demi éclairé, donnant sur une galerie très riche, et au fond un salon étincelant.
GABRIEL, déguisé en femme, est assis sur un sofa. ASTOLPHE entre, donnant le bras à la FAUSTINA.
FAUSTINA, d’un ton aigre.

Un boudoir ? Oh ! qu’il est joli ! mais nous sommes trop d’une ici.

GABRIEL, froidement.

Madame a raison, et je lui cède la place. (Il se lève.)

FAUSTINA.

Il paraît que vous n’êtes pas jalouse ?

ASTOLPHE.

Elle aurait grand tort ! Je le lui ai dit, elle peut être bien tranquille.

GABRIEL.

Je ne suis ni très jalouse, ni très tranquille ; mais je baisse pavillon devant madame.

FAUSTINA.

Je vous prie de rester, madame…

ASTOLPHE.

Je te prie de l’appeler mademoiselle, et non pas madame.