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LES ÎLES SANDWICH.

jour la nécessité d’établir une garnison à Honolulu, cette garnison lui aurait coûté beaucoup d’argent et eût été entièrement inutile dans les circonstances actuelles ; mais je suis bien persuadé qu’elle a les yeux constamment ouverts sur les îles Sandwich, et qu’elle apprécie toute l’importance que cette position peut offrir en cas de guerre.

Les relations politiques des îles Sandwich avec les gouvernemens des nations civilisées se bornent, jusqu’à ce jour, à deux actes : le premier est celui par lequel, le 25 février 1794, Tamea-Mea se reconnut, lui et les siens, sujets de S. M. B. Le second acte politique est le traité de commerce signé le 23 décembre 1826, entre Kauikeaouli et le gouvernement des États-Unis. La teneur de ce traité n’implique aucun avantage exclusif pour les Américains ; elle assure seulement la protection du gouvernement des îles Sandwich aux citoyens et aux propriétés des citoyens des États-Unis, contre tous ennemis, en cas de guerre ; il consacre l’admission, dans les ports des îles Sandwich, des bâtimens américains, et leurs droits à commercer avec la population de ces îles. Les articles suivans établissent certaines règles pour le sauvetage des navires américains qui feraient naufrage sur les côtes des îles Sandwich et pour l’arrestation des déserteurs ; le traité se termine enfin par la clause usuelle : que le commerce américain jouira de tous les avantages qui pourraient être accordés à la nation la plus favorisée, stipulant, sur ce point, pleine réciprocité pour le commerce des îles Sandwich avec les États-Unis.

Les Anglais n’ont pas voulu faire un traité avec un pays dont ils se regardent comme les suzerains, car ce traité aurait remis leurs droits en litige ; ils se sont donc abstenus de tout acte politique avec le gouvernement sandwichien, depuis l’acte de cession. Les Américains, au contraire, pressentant qu’un jour les Anglais pourront faire valoir leurs droits acquis sur les îles Sandwich, ont voulu consacrer par un traité les avantages dont ils jouissent aujourd’hui, et qu’ils auraient pu se voir enlever peut-être par la prise de possession d’un autre gouvernement. Ce traité doit être alors pour eux une garantie. Les Américains ont été guidés en cela par une sage prévoyance ; ils ont reconnu toute l’importance commerciale qu’acquerront les îles Sandwich, et ont voulu mettre leur commerce à l’abri d’une révolution dans le gouvernement.

Ne devrions-nous pas profiter de leur exemple et nous assurer par un traité les avantages que la position géographique des îles Sandwich pourra, par la suite, offrir à notre commerce ? Peut-être, plus tard, ne sera-t-il plus temps de le faire. Il est certain qu’aujourd’hui un traité de commerce avec les gouvernemens des îles de l’Océanie n’intéresserait que très peu notre navigation commerciale ; mais ce serait un document qui resterait dans nos archives jusqu’au jour où l’occasion se présentera d’en faire usage.

Le traité passé entre les États-Unis et les îles Sandwich est incomplet, et, tout en s’occupant des relations commerciales de ses compatriotes, l’agent américain n’a pas bien apprécié les circonstances où se trouve le pays avec lequel il traitait ; il n’a pas songé aux établissemens déjà formés aux îles Sandwich par les Américains, ni à ceux qu’un accroissement de commerce tendrait