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LES ÎLES SANDWICH.

le fret qu’y pourraient trouver ceux de nos bâtimens qui vont en Chine, est soumis à des chances trop fortes pour qu’on puisse y avoir confiance.

Il est donc clair que, si nous trouvions des frets de retour assurés dans l’Inde et en Chine, nous pourrions y envoyer un bien plus grand nombre de navires et augmenter considérablement dans ces pays la consommation de nos articles, qui y sont généralement appréciés. Ici se présente une question qu’on a souvent agitée et sur laquelle je reviendrai plus tard, parce qu’elle est vitale pour notre commerce en Chine et dans l’Inde, et parce que je crois que les véritables intérêts de nos manufactures ont été méconnus jusqu’à ce jour. Je veux parler de l’admission des sucres de Manille et de la Cochinchine avec des droits proportionnés à ceux que paient nos sucres coloniaux. Lorsqu’en 1817 les droits d’entrée sur les sucres de la mer de Chine furent diminués, notre commerce, voyant s’ouvrir pour lui des débouchés qu’il appelait depuis long-temps de tous ses vœux, se porta avec ardeur vers l’Inde, et on vit jusqu’à quinze et vingt bâtimens français dans la baie de Manille. Ce moment de prospérité commerciale ne dura pas ; les intérêts de notre commerce, de notre navigation et de nos manufactures furent sacrifiés, suivant mon opinion, à des intérêts bien moins importans.

Je me suis souvent demandé pourquoi, avec toutes nos ressources territoriales, avec le bon marché de la main-d’œuvre en France comparé au prix de la main-d’œuvre en Angleterre, et avec mille autres causes de succès, nous nous trouvons partout en arrière des autres nations commerciales ; pourquoi, enfin, nous n’arrivons jamais que les derniers, glanant seulement là où les autres ont moissonné. Quand j’ai vu par mes propres yeux, je me suis toujours convaincu qu’il ne manque à la France, pour rivaliser heureusement avec l’Angleterre et les États-Unis, que la ferme volonté de réussir et une déviation rationnelle du système suivi jusqu’à ce jour. Nous ne sentons peut-être pas assez toute l’importance d’une grande prospérité commerciale, quoique, cependant, nos yeux se soient ouverts depuis quelques années, et que nous ayons manifesté une sollicitude qui a peut-être trop respecté encore de vieux préjugés dont l’influence pernicieuse semble démontrée aujourd’hui[1].

  1. On commence à comprendre en France que le commerce est le plus sûr élément de la prospérité nationale, que tout ce qui tend à l’entraver est nuisible, et qu’il est aujourd’hui de toute nécessité d’étendre nos relations commerciales par tous les moyens possibles ; et le meilleur, le seul praticable, est de nous assurer les facilités d’échange qui nous manquent presque partout. Nos débouchés actuels ne suffisent plus aux besoins de notre industrie et de notre commerce ; il faut en créer de nouveaux, ou nous retomberons dans cette apathie commerciale et industrielle où nos longues guerres nous avaient plongés. Ce n’est qu’en permettant à notre navigation d’exporter les produits des contrées lointaines que nous parviendrons à ce but. — Les limites de ce travail ne me permettent pas de traiter cette importante question avec tous les développemens qu’elle mérite. Je dirai seulement qu’elle se rattache à l’avenir des îles Sandwich, qui offriraient une station commode